412
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
ces concurrents ne s’est présenté, et la maison Chopin, de Saint-
Pétersbourg, dont le nom est familier à tous les amateurs, est seule
à exposer une suite de statuettes et de groupes d’une exécution
remarquable. Encore faut-il reconnaître que les petites scènes kal-
mouckes et les cavaliers kirghiss, très finement ciselés, dont cette
maison s’est fait une spécialité, n’embrassent qu’un champ fort limité,
et malgré l’excellence de la fonte et le précieux de la ciselure, ces
oeuvres délicates ne sauraient supporter la comparaison avec les
puissants ouvrages de nos grands bronziers parisiens.
A quelles raisons faut-il attribuer cette supériorité exclusive de
notre capitale? « Paris, nous disait un jour notre éminent et vieil
ami Barbedienne, est la ville la mieux située pour obtenir de belles
fontes. Le bassin de la Seine nous fournit le meilleur plâtre pour
exécuter nos modèles et le meilleur sable pour faire nos chapes ou
moules en creux. Nous serions bien mal venus, après cela, de n’ètre
pas des bronziers remarquables. » L’argument a certainement sa
valeur. L’habileté de nos fondeurs a été de tout temps fort heureuse-
ment servie par la qualité excellente de ces deux agents indispen-
sables. Leur supériorité était déjà constatée au xvie siècle, par Ben-
venuto Cellini, lorsqu’en compagnie d’Ascanio Desmaris et de Paul
Romain, ce célèbre artiste travaillait dans son fameux atelier de la
Tour de Nesle. Toutefois il y aurait flagrante ingratitude à ne pas nous
souvenir que les traducteurs émérites se rencontrent généralement
dans le voisinage des créateurs de talent. Or, notre école de sculpture
est, sans contredit, la plus brillante des temps modernes. Quand une
nation peut porter à son actif les noms de Michel Colombe, de Jean
Goujon, de Germain Pilon, de Sarrazin, de Puget, de Coustou, de
Coyzevox, de Bouchardon, de Pigalle, de Houdon, de Rude, de Barye
et de David d’Angers, quand elle compte, parmi ses artistes vivants,
des sculpteurs comme MM. Dubois, Guillaume, Thomas, Barrias,
Chapu, Mercié, Frémiet, Delaplanche, il serait vraiment regrettable
qu’elle n’eût pas d’interprètes dignes de maîtres pareils.
Ce qui devait fatalement se produire est tout naturellement arrivé,
et il nous est particulièrement agréable de constater que, sous ce
rapport, nos artistes sont aussi bien servis que nous le pouvions
désirer. Non seulement nos statuaires ont trouvé des bronziers capa-
bles de traduire scrupuleusement leurs œuvres, mais ils ont vu se
former des éditeurs qui, par la perfection de leurs réductions, ont
généralisé dans le public le goût des œuvres d’art du caractère le
plus élevé, et ont rendu la profession de sculpteur relativement facile.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
ces concurrents ne s’est présenté, et la maison Chopin, de Saint-
Pétersbourg, dont le nom est familier à tous les amateurs, est seule
à exposer une suite de statuettes et de groupes d’une exécution
remarquable. Encore faut-il reconnaître que les petites scènes kal-
mouckes et les cavaliers kirghiss, très finement ciselés, dont cette
maison s’est fait une spécialité, n’embrassent qu’un champ fort limité,
et malgré l’excellence de la fonte et le précieux de la ciselure, ces
oeuvres délicates ne sauraient supporter la comparaison avec les
puissants ouvrages de nos grands bronziers parisiens.
A quelles raisons faut-il attribuer cette supériorité exclusive de
notre capitale? « Paris, nous disait un jour notre éminent et vieil
ami Barbedienne, est la ville la mieux située pour obtenir de belles
fontes. Le bassin de la Seine nous fournit le meilleur plâtre pour
exécuter nos modèles et le meilleur sable pour faire nos chapes ou
moules en creux. Nous serions bien mal venus, après cela, de n’ètre
pas des bronziers remarquables. » L’argument a certainement sa
valeur. L’habileté de nos fondeurs a été de tout temps fort heureuse-
ment servie par la qualité excellente de ces deux agents indispen-
sables. Leur supériorité était déjà constatée au xvie siècle, par Ben-
venuto Cellini, lorsqu’en compagnie d’Ascanio Desmaris et de Paul
Romain, ce célèbre artiste travaillait dans son fameux atelier de la
Tour de Nesle. Toutefois il y aurait flagrante ingratitude à ne pas nous
souvenir que les traducteurs émérites se rencontrent généralement
dans le voisinage des créateurs de talent. Or, notre école de sculpture
est, sans contredit, la plus brillante des temps modernes. Quand une
nation peut porter à son actif les noms de Michel Colombe, de Jean
Goujon, de Germain Pilon, de Sarrazin, de Puget, de Coustou, de
Coyzevox, de Bouchardon, de Pigalle, de Houdon, de Rude, de Barye
et de David d’Angers, quand elle compte, parmi ses artistes vivants,
des sculpteurs comme MM. Dubois, Guillaume, Thomas, Barrias,
Chapu, Mercié, Frémiet, Delaplanche, il serait vraiment regrettable
qu’elle n’eût pas d’interprètes dignes de maîtres pareils.
Ce qui devait fatalement se produire est tout naturellement arrivé,
et il nous est particulièrement agréable de constater que, sous ce
rapport, nos artistes sont aussi bien servis que nous le pouvions
désirer. Non seulement nos statuaires ont trouvé des bronziers capa-
bles de traduire scrupuleusement leurs œuvres, mais ils ont vu se
former des éditeurs qui, par la perfection de leurs réductions, ont
généralisé dans le public le goût des œuvres d’art du caractère le
plus élevé, et ont rendu la profession de sculpteur relativement facile.