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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
main du traducteur, et pour l’empêcher de transformer son œuvre
sous le prétexte trompeur de l’améliorer. Mais du jour où le sculpteur
a commencé de se tenir volontairement à l’écart, son ouvrage s’est
trouvé du coup à la merci du ciseleur, jaloux d’y ajouter par son tra-
vail un accent personnel et un charme nouveau. Pour faire rentrer
dans le rang ce collaborateur trop zélé, il fallut soutenir des combats
obstinés mais d’autant plus nécessaires, que nos plus illustres sta-
tuaires, incapables de diriger la fonte de leurs ouvrages, demeuraient
à la discrétion de leurs traducteurs anonymes. C’est cette victoire
que M. Barbedienne a su remporter.
Ce doyen de nos bronziers n’est pas le seul fondeur parisien
auquel nos sculpteurs ont de grandes obligations. MM. Thiébaut
frères, dont la magistrale exposition occupe une place d’honneur
dans la galerie.de trente mètres, leur ont également rendu des ser-
vices fort appréciables. Mais c’est moins par leurs réductions que par
la fonte des grandes pièces que ces habiles industriels se distinguent .
Les ouvrages les plus vastes ne les effrayent pas, et ils sont assez
maîtres de leurs moyens pour mener à bien les groupes les plus
compliqués, témoin le Monument de la Fontaine composé par M. Dumi-
lâtre. Ajoutons que lorsqu’ils se bornent à copier les œuvres
anciennes, comme ces beaux termes et ces groupes d’enfants
empruntés à Versailles, qui décorent les angles de leur remarquable
exposition, ils peuvent sans trop de désavantage être comparés à
Balthazar Iveller, à Cor ou à Varin.
Mais c’est moins de la fonte des statues et des bronzes d’art, que
nous avons à nous occuper ici, que des bronzes d’ameublement.
Revenons donc bien vite à ces derniers, dont on trouve, au surplus,
de fort beaux échantillons chez MM. Thiébaut et Barbedienne.
Depuis dix ans, ce dernier a exécuté toute une collection de jardi-
nières, de candélabres, de flambeaux, d’encriers, de bougeoirs, d’une
qualité tout à fait supérieure, des porte-bouquets exquis, modelés par
M. Barrias, des lampes magistrales et un bassin superbe, signés par
M. Levillain. Enfin, pour donner la mesure de ce qu’on peut attendre
de ses collaborateurs, M. Barbedienne expose deux œuvres capitales :
la superbe horloge qu’il destinait en 1878 àl’Hôtel de Ville de Paris,
et un cabinet décoré d’émaux par M. Serre. Ces deux beaux meubles,
sur lesquels M. Constant Sevin acheva d’épuiser sa verve décorative,
paraissent un peu chargés peut-être et appartiennent à une esthé-
tique déjà vieillie; mais comme perfection de travail, le passé n’offre
rien qui leur soit très supérieur.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
main du traducteur, et pour l’empêcher de transformer son œuvre
sous le prétexte trompeur de l’améliorer. Mais du jour où le sculpteur
a commencé de se tenir volontairement à l’écart, son ouvrage s’est
trouvé du coup à la merci du ciseleur, jaloux d’y ajouter par son tra-
vail un accent personnel et un charme nouveau. Pour faire rentrer
dans le rang ce collaborateur trop zélé, il fallut soutenir des combats
obstinés mais d’autant plus nécessaires, que nos plus illustres sta-
tuaires, incapables de diriger la fonte de leurs ouvrages, demeuraient
à la discrétion de leurs traducteurs anonymes. C’est cette victoire
que M. Barbedienne a su remporter.
Ce doyen de nos bronziers n’est pas le seul fondeur parisien
auquel nos sculpteurs ont de grandes obligations. MM. Thiébaut
frères, dont la magistrale exposition occupe une place d’honneur
dans la galerie.de trente mètres, leur ont également rendu des ser-
vices fort appréciables. Mais c’est moins par leurs réductions que par
la fonte des grandes pièces que ces habiles industriels se distinguent .
Les ouvrages les plus vastes ne les effrayent pas, et ils sont assez
maîtres de leurs moyens pour mener à bien les groupes les plus
compliqués, témoin le Monument de la Fontaine composé par M. Dumi-
lâtre. Ajoutons que lorsqu’ils se bornent à copier les œuvres
anciennes, comme ces beaux termes et ces groupes d’enfants
empruntés à Versailles, qui décorent les angles de leur remarquable
exposition, ils peuvent sans trop de désavantage être comparés à
Balthazar Iveller, à Cor ou à Varin.
Mais c’est moins de la fonte des statues et des bronzes d’art, que
nous avons à nous occuper ici, que des bronzes d’ameublement.
Revenons donc bien vite à ces derniers, dont on trouve, au surplus,
de fort beaux échantillons chez MM. Thiébaut et Barbedienne.
Depuis dix ans, ce dernier a exécuté toute une collection de jardi-
nières, de candélabres, de flambeaux, d’encriers, de bougeoirs, d’une
qualité tout à fait supérieure, des porte-bouquets exquis, modelés par
M. Barrias, des lampes magistrales et un bassin superbe, signés par
M. Levillain. Enfin, pour donner la mesure de ce qu’on peut attendre
de ses collaborateurs, M. Barbedienne expose deux œuvres capitales :
la superbe horloge qu’il destinait en 1878 àl’Hôtel de Ville de Paris,
et un cabinet décoré d’émaux par M. Serre. Ces deux beaux meubles,
sur lesquels M. Constant Sevin acheva d’épuiser sa verve décorative,
paraissent un peu chargés peut-être et appartiennent à une esthé-
tique déjà vieillie; mais comme perfection de travail, le passé n’offre
rien qui leur soit très supérieur.