Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 2.1889

DOI Heft:
Nr. 6
DOI Artikel:
Courajod, Louis: La part de la France du Nord dans l'œuvre de la Renaissance, 2
DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.24446#0670

DWork-Logo
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
616

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

s’est pas montré déjà dans l’architecture du xu« siècle ? Est-ce qu’il n’a pas inspiré
Nicolas de Pise au point de lui dicter des contrefaçons de la composition antique
et du style romain ? Est-ce que, même en dehors de l’Italie, il n’a pas révélé et
maintenu longtemps ses doctrines dans les bassins du Rhin, de la Moselle et de la
Meuse, pendant le xii° et le xine siècle ? Est-ce que nous ne surprenons pas son
influence dans quelques-unes des plus belles productions des écoles gothiques,
française et allemande, du xin' siècle, comme à Reims et à liamberg? Est-ce que,
à un moment donné, il n’a pas visiblement préoccupé certains de nos artistes, par
exemple Villard de Honnecourt ? Est-ce que, da ns la première moitié du xive siècle,
il ne s’est pas fréquemment encore montré sous la main des successeurs de Nicolas
de Pise, devenus déjà gothiques. Et, cependant, on n’a jamais songé à appliquer
le nom de Renaissance à aucune des périodes que l’art antique a plus ou moins
profondément influencées; on n’a jamais vu dans ces contacts un point de départ,
mais, au contraire, un point d’arrivée.

En effet, on peut facilement comprendre que ce n’est guère aux époques de
renouvellement et de foi créatrice, aux heures matinales du début de chaque
période que les principes de l’art antique, après s’être glissés dans l’économie de
l’art moderne, avaient chance de s’y maintenir en gardant toute leur fécondité.
Depuis qu’ils existent, les monuments antiques se sont dressés comme une perpé-
tuelle leçon, suivant les temps aussi muets ou aussi éloquents que la littérature
des anciens, attendant que le milieu ambiant devînt pénétrable, s’ouvrant et se
fermant au gré des demandes, comme un livre dont le texte n’est accessible en
définitive qu’aux seuls lettrés. Il fallait donc qu’un art quelconque eût atteint déjà,
personnellement, un certain degré de culture pour s’assimiler, je ne dis pas la
copie matérielle de la composition antique dans ses lignes, ce qui est à la portée
de tous les temps, mais l’esprit et l’expression de cet art.

L’art antique, d’ailleurs, a toujours été, par son essence, un instrument d’édu-
cation et un moyen de perfectionnement, de réforme pour les arts existants beau-
coup plus qu’un fondateur et un inventeur d’arts nouveaux. Les tempéraments
naissent spontanément et ne se façonnent pas ; or, au début d’une période d’art,
comme dans l’enfance de l’homme, le tempérament agit seul.

On a donc eu gravement tort, pour obéir à des idées préconçues, d’ouvrir un
compte spécial, une ère nouvelle dans l’histoire de l’art à la période pendant
laquelle le goût des arts antiques s’est communiqué au monde moderne. Il n’y a
pas eu alors brusque succession d’un état psychologique à un autre état par le
seul contact avec les anciens. L’infiltration s’est faite lentement, silencieusement,
non pas par voie de substitution de théories triomphantes remplaçant des théories
vaincues, mais par voie d’assimilation progressive, par la méthode du greffage et
non par celle du semis. La souche de l’art antérieur est toujours restée la même,
bien que les fruits allassent en se modifiant et en s’adoucissant de plus en plus,
sans perdre toutefois leur saveur originelle. L’histoire d’une plante ne recom-
mence pas avec chacune des métamorphoses que lui fait subir la variété des
saisons ou la multiplicité des cultures. La Renaissance, dans son printemps, dans
son été, dans son automne, a toujours en substance été la même, et il ne doit pas
être permis de la. faire débuter dans le monde au milieu de son existence, ni de
confondre, dans l’étude de son organisme, une simple transformation avec le
premier symptôme de la vie.
 
Annotationen