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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 3
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Fourcaud, Louis de: Francois Rude, 6
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0227

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206

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

s’inquiète bien aujourd’hui de ces choses! On est tout à l’enthou-
siasme et au plaisir. Plus volontiers, on achète une médaille commé-
morative, ornée des profils superposés de l’empereur et de Louis-
Philippe, avec cet exergue : « Dieu protège la France. » Une médaille,
cela se conserve comme souvenir. Si l’on pouvait s’approcher, main-
tenant; faire le tour de l’Arc! Non, il n’y faut pas songer. La multi-
tude s’épaissit toujours sur la place et dans les Champs-Elysées.

Par malheur, dans l’après-midi, des nuages passent, une ondée
crève. C’est fait, ou à peu près, de l’illumination du soir et des bals
en plein air. Quel ennui pour tout le monde ! Pourtant, à la
tombée du jour, mille lumières s’allument aux fenêtres et l’Arc se
profile dans l’ombre en traits de feu tremblants. A neuf heures, au
milieu du pont de la Concorde, le feu d’artifice est tiré. Des bouquets
d’étoiles d’or, de rubis, d’émeraude et de saphir, s’épanouissent en
l’air au bout d’une tige ardente. Des soleils tournent et flamboient...
Que sais-je? A chaque détonation, à chaque tableau enflammé un
murmure de satisfaction s’échappe des poitrines. Mais on ne s’attend
pas à la pièce finale figurant un Arc de triomphe, tout en gemmes
incandescentes, au-dessus duquel un aigle s’envole et se déroule cette
inscription : Aux Armées françaises. Pour le coup, les applaudisse-
ments font rage; l’ivresse des acclamations ne se contient plus. Et,
quand le monument prestigieux s’efface déjà et rentre dans la nuit,
l’aigle aux ailes étendues brille encore et semble planer majestueu-
sement.

Le même soir, aux Tuileries, le roi a réuni, en un banquet, trois
cents convives : à savoir, les officiers supérieurs de la garde natio-
nale, les maires des douze arrondissements de Paris, le préfet de la
Seine, les ministres, les maréchaux, généraux, magistrats, hauts
fonctionnaires et dignitaires de la couronne. Pas un des collabo-
rateurs du monument de l’Étoile ne compte dans cette assemblée.
Plusieurs discours sont prononcés où l’on parle de rattachement de
Sa Majesté aux principes de la Révolution, où on la glorifie d’avoir
terminé la porte triomphale. Des œuvres d’art dont s’honore l’édifice,
pas un seul mot. Le roi se mêle aux groupes des vieux généraux de
l’Empire, qui ont leur nom gravé sous les voûtes de l’Arc. Mais ceux
qui ont fait l’Arc n’ont droit qu’au silence.

Rude, en cette journée, s’est confondu dans la multitude. Il a
regardé son œuvre en face et, de bonne foi, s’est réjoui, car son
dessein s’anime et vit aux yeux de tous. A-t-il rencontré son ancien
camarade, David d’Angers? Il aurait pu l’entendre, hélas! traiter son
 
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