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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 3
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Mantz, Paul: Watteau, 6
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0244

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W AT TE AU.

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grâce amoureuse et vraie de leur gesticulation, la nouveauté coquette
de leur costume, le vaporeux du paysage doucement chimérique, ce
merveilleux tableau résume la révolution que Watteau avait entre-
prise et qu’il a eu l'honneur d’accomplir; car cette peinture faite
pour l’Académie et exécutée au Louvre, sous l’inspection de deux
commissaires de la Compagnie, avoue hautement les ambitions
réformatrices du jeune maître et met en déroute les anciennes doc-
trines et les vieilles mythologies. C’est un nouveau rayon qui se lève
sur l’école française, c’est une source inédite où s’enivrera tout un
siècle. Et si nous voulons nous rendre compte de l’idéal véritable de
Watteau, qui attacha toujours un grand prix à la virtuosité du tra-
vail et au cinglant de la touche, n’oublions jamais que, de l’aveu du
peintre lui-même, Y Embarquement, pour Cythère n’est qu’une brillante
esquisse, une improvisation provisoire qui ne dit pas tout. On a
donc, en cette œuvre admirable, un des éclairs, un des moments de
la pensée de Watteau, mais on n’a qu’une partie de son rêve.

Cette première vision de l’idéal que cherchait le peintre de
Valenciennes doit être complétée par l’examen méthodique des
tableaux réunis dans la galerie Lacaze. Rien n’est indifférent de ce
qui est sorti de sa main savante, et ici nous avons toutes les
manières. Le Gilles, debout dans son habit blanc, nous montre le
Watteau sérieux qui s’applique et se surveille; VIndifférent et la
Finette sont des morceaux dépourvus de toute prétention héroïque;
mais où l’artiste nous met, par un travail définitif, dans la confidence
de ce qu’il cherche, car il y a là, avec la spirituelle désinvolture des
personnages, le goût pour les colorations fleuries, obtenues par des
superpositions de tons dont Watteau avait emprunté le secret à
Rubens lui-même. Comme marque caractéristique de cet amour pour
la rareté, il faut noter les roses pâles qui égaient les bas de Y Indiffé-
rent et la robe d’un bleu verdâtre glacé de blanc dont la Finette s’est
revêtue. Cette robe nous dit de quels éléments Watteau avait composé
son idéal de coloriste et sa technique. Tout le monde a vu au Musée
d’Anvers le beau Rubens qu’on appelle YÉducation de la Vierge. La
jeune fille, convaincue qu’il faut être bien habillée, même pour
prendre une leçon de lecture, porte une magnifique robe de satin
blanc, où la cassure des plis détermine des ombres bleuissantes. Il
se peut, comme le croit M. Max Rooses, que les dessous aient été
préparés par un élève, mais Rubens est revenu sur ce travail d’attente,
et, de son pinceau triomphant, il a posé les luisants du satin et fait
briller les lumières. Pour ceux qui aiment la peinture et sont curieux
 
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