Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 3.1890)

LES ÉTUDES RÉCENTES

SUR

L’ÉCOLE HOLLANDAISE

LIVRES ET MUSÉES

près les accroissements considérables que nous avions signalés1 dans
la plupart des musées de la Hollande, il est bien évident que nous
n’aurons pas à y constater aujourd’hui des acquisitions d’une valeur
comparable. L’installation du Ryks Muséum dans les vastes locaux
du Stadhouders-Kade avait permis de recueillir des toiles nom-
breuses et d’une importance capitale, disséminées jusqu’alors dans les locaux des
corporations civiques, charitables ou savantes. En même temps d’ailleurs il s’était
produit comme un courant de générosité et des dons ou des legs étaient venus
s’ajouter à une si abondante moisson. On ne pouvait assurément compter sur
la continuation de pareilles aubaines. Cependant quelques présents ou quelques
achats heureux ont récemment encore enrichi la collection. Entre tous il convient
de citer le tableau portant la signature incomplète de Johann Wouters, peinture
magnifique d’un artiste fort ignoré et dont on trouve le nom inscrit comme bour-
geois d’Amsterdam, en lîi-iâ. La franchise du dessin comme celle de la couleur y
sont très puissantes, et le sujet emprunté à la vie fumilière atteint à une éloquence
vraiment pathétique. C’est une femme avec son petit enfant, en consultation chez
un homme de loi, en présence de son mari ; elle se plaint de lui et l’accuse avec
véhémence. Son type est sans doute assez grossier et la pantomime de scs mains
un peu outrée; mais l’enfant, l'avocat et le mari sont peints avec une largeur et
une habileté tout à fait remarquables. La vivacité de l'exécution, la cr&nerie des
empâtements, la manœuvre de la brosse, toujours dans le sens de la forme,
annoncent déjà la facilité et le brio de Hais, et les gris de fer, répartis çà et là dans
la robe de la femme, le costume de l’avocat et la barrette de l’homme, font mer-
veilleusement ressortir l'harmonie des bruns rougeâtres qui dominent dans ce
tableau. Les physionomies très personnelles sont pleines d'expression, celle de
l’enfant surtout qui, habitué probablement h de pareilles scènes, assiste indilîé-

1. Gazelle det Beaux-Arts, t»r juillet 18S8.