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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 5
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Courajod, Louis: Eugéne Piot et les objets d'art légués au musée du Louvre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0442

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EUGÈNE PIOT.

405

Longtemps avant les Italiens, il avait découvert, compris, adoré,
escompté d’un coup d’œil, la valeur de la sculpture italienne du
xv° siècle. De retour à Paris, il aurait pu prendre pour emblème le
Diomède si bien imité de l’antique par son ami Donatello dans le Palais
de son autre ami, Cosrae de Médicis. Lui aussi il avait dérobé le
Palladium.

Quelle délivrance pour le goût de l’amateur français ! Nous allons
donc échapper au culte du noyau de cerise renfermant plusieurs
centaines de personnages, au dogme de la noix de coco travaillée
dans les « iles de la mer du Sud », montée d’argent, au respect
pour les tètes de marotte ou les insignes de la Mère folle de quelque
confrérie bachique d’ivrognes provinciaux, à la vénération légendaire
pour les portraits en buis, simultanés ou alternatifs, de Léon X et de
Martin Luther, à l’usage odieux de la lourde orfèvrerie d’Augsbourg
et de la falote argenterie de Vienne. Ouf! Nous rompons brusquement
avec les plus fameux fabricants de pichets de cidre normands, et avec
les maîtres les plus estimés, les mieux catalogués et décrits de la
faïence révolutionnaire. Comme compensation, on nous présente à
Donatello, à Desiderio da Settignano, à Mino da Fiesole, à Verrocchio,
à Bertoldo, à Vellano, à Riccio, à tous ces grands maîtres de la
plastique dont les Italiens gravent et encensent les noms le long de
leurs murailles et dans leurs livres, mais dont ils dédaignent quel-
quefois les œuvres quand celles-ci ont perdu leurs étiquettes. Nous
nous frottons d’abord les yeux. Il nous reste à apprendre la langue
parlée par tous ces génies. Mais ce ne sera pas long.

Voici en quoi Piot fut véritablement un inventeur et un maître
puissant. C’est qu’il ne se borna pas à remuer les idées du bout de la
plume. L’ancien romantique, loin d’être uniquement un indifférent
théoricien et un révolutionnaire en chambre, ne craignit pas de
descendre dans la rue. Du même coup que les idées, il renouvela le
vieux stock usé des admirations bourgeoises ; il transfigura les cartes
défraîchies et les valeurs fiduciaires qui avaient suffi jusque-là au
jeu innocent et aux spéculations séniles de la pâle cohue des habitués
de l’Hôtel des Ventes'. La matière première était rajeunie et le 1

1. Conférez ce que MM. Georges Perrot et Charles Yriarte ont dit de l’attitude
de l'iot dans sa jeunesse vis-à-vis de la littérature du parti des classiques. Il eut
une utlitude semblable dans le domaine de la curiosité. Nous tous qui n'avons
rencontré (pie le vieillard aigri et découragé des vingt dernières années de sa vie,
nous ne connaissons pas dans l'iot l'homme véritable. On le découvre tout entier
enlisant attentivement le Cabinet de i Amateur.
 
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