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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 5
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Michel, Émile: La jeunesse de Rembrandt, 2: 1606 - 1631
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0469

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LA JEUNESSE DE REMBRANDT.

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faisaient défaut à Rembrandt. Au lieu de chercher au loin des moyens
d’étude, le jeune maître allait s’en créer. Ne pouvait-il pas ètreàlui-
mème son modèle et faire aussi poser pour lui son père, sa mère, ses
proches? En leur consacrant les prémices de son talent, il était assuré
de trouver près d’eux une complaisance inépuisable. Heureux de lui
être utiles, ils se prêteraient à tous ses caprices et il pourrait, sans
les lasser jamais, varier avec eux toutes ses tentatives. Rembrandt
mit donc à profit leur bon vouloir. Passionné comme il l’était pour
son art, il apportait une telle ardeur à l’étude que, suivant le témoi-
gnage d’Houbraken, « il ne cessait pas de travailler dans la maison
de ses parents, tant que durait le jour ».

De ce temps datent quelques têtes d’étude peintes sur de petits
panneaux de chêne et dont non seulement l’attribution à Rembrandt
est assez récente, mais qui, même après queM. Bodeles eût signalées
à l’attention de la critique, furent longtemps contestées, car elles
déroutaient les opinions reçues et paraissaient peu d’accord avec les
œuvres qui devaient immédiatement les suivre. La première de ces
têtes, bien qu’elle ne porte ni date, ni signature, est certainement
du maître et doit être considérée, avec le Saint Paul dans sa prison,
comme un de ses premiers ouvrages. Elle appartient au Musée de
Cassel et représente Rembrandt, âgé de 20 à 21 ans *. Le visage, vu de
trois quarts, est large, ramassé et se détache franchement, en vigueur,
sur un fond clair, d’un gris bleuâtre. Un rayon de soleil frappe en
plein le cou, l’oreille et la joue droite, tandis que le front, les yeux
et tout le côté gauche sont couverts d’une ombre très intense. Un
bout de chemisette blanche dépasse à peine le vêtement brun. Le
teint vermeil, le nez gros et luisant, le cou fort, les lèvres entrou-
vertes surmontées d’un duvet naissant, la chevelure rebelle, tout
indique la santé, la vigueur du tempérament; on dirait un jeune
paysan, robuste et naïf. L’exécution très large, un peu sommaire,
ajoute à cette impression : la touche est donnée franchement dans
une pâte abondante sur laquelle, ainsi que dans le Samson de Berlin,
les cheveux ont été tracés à la diable, avec le manche du pinceau.
Bien que les yeux noyés dans une ombre très forte et d’un gris ver-
dâtre soient à peine indiqués, il semble qu’ils vous regardent avec
une pénétration singulière et, quoique le contraste entre cette ombre
et la lumière soit très prononcé, les passages en sont adoucis par un
ton moyen qui évite toute dureté.

I. N° 208 de l’excellent Catalogue que vient de publier M. Eiseninann.
 
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