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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 3.1890

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Nr. 6
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Albert, Maurice: Le salon de 1890 aux Champs-Élysées, [1], Peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24447#0494

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452

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Y Arrivée à Bethléem de M. Merson, voire même comme'cette Annon-
ciation, d’un sentiment délicat et poétique, que M. Bramtôt expose
aujourd'hui sous le titre laïque de Rêve de Marie, demeurent
les preuves éloquentes qu’un peintre peut se permettre les plus
énormes anachronismes. Quid libet audendi... Mais, qu’au moins, à
défaut de vérité historique, il y ait dans vos œuvres de la sincérité,
de l’émotion, de la poésie. Or, il n'y a.rien de tout cela dans le
tableau de M. Bouguereau, non plus que dans mainte autre toile du
même genre et de la même inspiration, que je pourrais citer, et dont
la présence au Salon justifie et généralise les longues, mais non inu-
tiles remarques qui précèdent. Les pieux adorateurs des formules
académiques et d’une tradition qui n’est pas la nôtre, les dévots de la
composition régulière et du dessin irréprochable, pourront s’extasier
devant les Saintes femmes au tombeau. A ceux qui, cette année surtout,
cherchent du nouveau et du consolant, M. Bouguereau et ses disciples
n’apportent rien.

On en peut dire autant de plusieurs peintres dont les noms volti-
gent aujourd’hui, comme dit le poète, sur les lèvres des hommes.
Tant que sa main tiendra un pinceau, M. Henner retrouvera sur sa
palette ces tons blancs si chaudement ambrés, et ces noirs doux à
l’œil, et ces roux séduisants que tout le monde connaît et admire,
mais qui charment moins cette année dans le portrait de Mme Miclos
et dans Mélancolie. Toujours aussi, M. Gérôme restera acoquiné aux
pays d’Orient, et s’obstinera à croire qu’il faut laisser les lions dans
le désert, comme la chanson veut qu’on laisse les enfants à leurs
mères et les roses aux rosiers. Tel est en effet le sujet de Poursuite,
un tableau moins agréable que son voisin, Y Abreuvoir, et dans lequel
un lion nous est montré bondissant, les quatre pattes en l’air, vers
de fuyantes gazelles. Après tout, si l’imagination des naturalistes
d’autrefois, des petits romanciers et des grands poètes d’aujourd’hui
a vu des lions dans le Sahara, si M. Richepin, très soucieux de ne
pas imiter Lafontaine et Buffon, n’a appelé le lion que « le roi des
sables », et a dit que

Ce pays de la soif, cette plaine âpre et chauve,

Ce cimetière en feu, c’est sa patrie, ù lui,

pourquoi M. Gérôme ne profiterait-il pas des mômes libertés inoffen-
sives, et se priverait-il de représenter un lion dans le désert, où « ce
roi sauvage et roux des profondeurs muettes » n’a d’ailleurs jamais
mis les pattes?
 
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