Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 3.1890)

LE SALON DU CHAMP DE MARS.

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la rupture? Les œuvres sont les seuls arguments qui comptent dans
la discussion du beau : serait-on assez riche d’œuvres pour que
l’Exposition improvisée restât pure de tout expédient? n’était-on pas
condamné à chercher ou à recueillir des recrues parmi les dédaignés
du Salon traditionnel? — Ici encore les choses ont tourné au mieux.
A la nouvelle qu’une manifestation vraiment libérale et indépen-
dante se préparait, des artistes qui n’exposaient plus depuis vingt
ans ont reparu, d’autres, encore inconnus, ont surgi apportant à la
fois l’abondance et l’originalité.

Le comité d’admission a, d’ailleurs, eu l’esprit de ne pas s’obstiner
à remplir les immenses galeries que la munificence de la Ville mettait
à sa disposition : il a très judicieusement usé du droit de choisir
et n’a pris que neuf cents toiles, — tandis que la Société, diminuée,
sinon décapitée, du Palais de l’Industrie, se hâtait d’en ramasser
deux mille quatre cents, pour écraser sa rivale. Cette sage réserve a
permis de mettre toutes les œuvres en valeur. Pour la première fois
peut-être depuis qu’il y a des expositions, on a vu ce phénomène : des
peintres envoyant les tableaux qu’ils veulent, les disposant comme
ils veulent, se ménageant le jour et le voisinage qu’ils veulent.

L’effet obtenu est infiniment curieux, et, quelles que soient les
destinées de la scission, il est impossible que cette leçon ne porte pas
profit. Il faudra renoncer à l’entassement qui est de tradition, au
puéril souci de l’ordre alphabétique ou de la hiérarchie officielle qui
l’emporte d’ordinaire sur les convenances d’art supérieures. Les
organisateurs du Champ de Mars ont rêvé et réalisé un Salon, au
vrai sens du mot; ils y ont dépensé des trésors d’ingéniosité et de
goût. Le public et la critique se sont trouvés d’accord pour en féli-
citer M. Guillaume Dubufe, qui, de concert avec MM. Carolus Duran
et Duez, a préparé cette habile et somptueuse décoration.

Enfin, bien que la composition de la jeune société ne fût point
rigoureusement homogène, il était facile de voir, dès l’abord, que
l’École nouvelle en formait la majorité; de là un autre souci :
n’allait-elle pas attirer à elle tous ses représentants attitrés et
risquer une manifestation de parti? Ses amis eux-mêmes pouvaient
se demander si elle ne commettrait pas une imprudence en s’affir-
mant isolément : le groupement des œuvres ne ferait-il pas saillir
les procédés communs? Ne rendrait-il pas les audaces et les excentri-
cités plus choquantes?

Cette inquiétude n’était pas mieux justifiée que les autz’es : les
tendances novatrices,—ce mot convient mieux ici que celui d’«école»,