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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
dans sa naïveté, nous reporte au xv° siècle. Il n’est pas jusqu’au
fond rouge ponceau imité des velours de Gênes, sur lequel se déta-
chent les carnations légèrement rosées du visage, aussi bien que le
vêtement entièrement blanc, qui ne rappelle la même époque. Seule-
ment à quel artiste le roi s’était-il adressé pour reproduire les traits
de son fils? Nous ne saurions le dire d’une manière certaine. On a
mis en avant le nom de Jean Perréal qui, en effet, par sa position
près de Charles VIII, dont il était le peintre ordinaire, eût bien pu
être appelé à un tel honneur. Mais tout moyen de contrôle nous
manque et il serait aussi téméraire de contester cette attribution que
d’en prendre la défense. Contentons-nous d’affirmer que l’exposition
de Tours a pour la première fois placé sous les yeux du public une
peinture des plus intéressantes à tous égards. Sa véritable place
serait dans la salle des primitifs français, que l’on s’efforce de consti-
tuer au Louvre, et nous aimons à espérer que l’on trouvera moyen de
l’y faire entrer un jour.
Un autre portrait1, de dimensions encore plus petites, mérite
également d’attirer l’attention. Il pourrait à bon droit, croyons-nous,
passer pour représenter Claude de France et, dans tous les cas, sa
date ne saurait être de beaucoup postérieure à l’année 1520. Aussi,
ne pouvons-nous voir en lui une œuvre de François Clouet, qui était
alors presque un enfant. En dépit de la mention portée au catalogue
de la collection Pourtalès, d’où provient ce tableau, nous avons bien
plus probablement affaire à Jean Clouet, père de François, qualifié
peintre du roi dès l’année 1516. Mais, quel que soit le nom cherché,
il n’est pas possible de voir un plus délicieux spécimen de l’art fran-
çais au xvie siècle. Le visage d’un blanc un peu mat, qu’encadre une
chevelure blond ardent, est admirablement modelé. On sent un
artiste maître de lui-même et qui n’agit qu’à coup sûr.
Tout au contraire nous serions tenté de reconnaître le pinceau de
François Clouet dans le beau portrait de Jeanne cl'Albret avant son
veuvage, qu’a envoyé le château d’Azay-le-Rideau. Le grand artiste
qui est mort, on le sait maintenant, en 1572, était alors, vers 1560
environ, dans la force de son talent, et nous retrouvons non seulement
le caractère bien personnel qu’il donne à tous ses visages de femme,
mais encore la passion des détails poussée jusqu’à la minutie, lorsqu’il
s’agit de reproduire une dentelle ou un bijou.
Les portraits du xvie siècle, qui figurent à l’Exposition, sont trop
1 A M. Alfred Marne.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
dans sa naïveté, nous reporte au xv° siècle. Il n’est pas jusqu’au
fond rouge ponceau imité des velours de Gênes, sur lequel se déta-
chent les carnations légèrement rosées du visage, aussi bien que le
vêtement entièrement blanc, qui ne rappelle la même époque. Seule-
ment à quel artiste le roi s’était-il adressé pour reproduire les traits
de son fils? Nous ne saurions le dire d’une manière certaine. On a
mis en avant le nom de Jean Perréal qui, en effet, par sa position
près de Charles VIII, dont il était le peintre ordinaire, eût bien pu
être appelé à un tel honneur. Mais tout moyen de contrôle nous
manque et il serait aussi téméraire de contester cette attribution que
d’en prendre la défense. Contentons-nous d’affirmer que l’exposition
de Tours a pour la première fois placé sous les yeux du public une
peinture des plus intéressantes à tous égards. Sa véritable place
serait dans la salle des primitifs français, que l’on s’efforce de consti-
tuer au Louvre, et nous aimons à espérer que l’on trouvera moyen de
l’y faire entrer un jour.
Un autre portrait1, de dimensions encore plus petites, mérite
également d’attirer l’attention. Il pourrait à bon droit, croyons-nous,
passer pour représenter Claude de France et, dans tous les cas, sa
date ne saurait être de beaucoup postérieure à l’année 1520. Aussi,
ne pouvons-nous voir en lui une œuvre de François Clouet, qui était
alors presque un enfant. En dépit de la mention portée au catalogue
de la collection Pourtalès, d’où provient ce tableau, nous avons bien
plus probablement affaire à Jean Clouet, père de François, qualifié
peintre du roi dès l’année 1516. Mais, quel que soit le nom cherché,
il n’est pas possible de voir un plus délicieux spécimen de l’art fran-
çais au xvie siècle. Le visage d’un blanc un peu mat, qu’encadre une
chevelure blond ardent, est admirablement modelé. On sent un
artiste maître de lui-même et qui n’agit qu’à coup sûr.
Tout au contraire nous serions tenté de reconnaître le pinceau de
François Clouet dans le beau portrait de Jeanne cl'Albret avant son
veuvage, qu’a envoyé le château d’Azay-le-Rideau. Le grand artiste
qui est mort, on le sait maintenant, en 1572, était alors, vers 1560
environ, dans la force de son talent, et nous retrouvons non seulement
le caractère bien personnel qu’il donne à tous ses visages de femme,
mais encore la passion des détails poussée jusqu’à la minutie, lorsqu’il
s’agit de reproduire une dentelle ou un bijou.
Les portraits du xvie siècle, qui figurent à l’Exposition, sont trop
1 A M. Alfred Marne.