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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

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Nr. 1
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Yriarte, Charles: Paul Véronèse au palais ducal de Venise
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0018
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

décorations dans les villas de terre ferme, du Vicentino et du Trevi-
san, protégé aussi par un de ses compatriotes, Bernardo Torlioni, il
venait de remporter à Venise un succès qui avait rendu son nom
tout à fait populaire, en décorant presque à lui seul l’église de
Saint-Sébastien dont ce Torlioni était le Prieur. L’effet avait été
profond. Depuis les patriciens jusqu’aux gondoliers tous accou-
raient au Sanctuaire pour admirer un ensemble, moins pompeux
sans doute que celui du palais ducal, mais d’un éclat égal. Le Titien,
qui malgré ses quatre-vingt-six ans venait de se mesurer avec le
Paolo à Saint-Sébastien même, avait été séduit par la nature loyale,
la simplicité et le génie de son rival et s’était pris pour lui d’une
passion généreuse. 11 était allé tout droit au Sansovino qui, en
qualité d’architecte, disposait de travaux importants, et au Contarini,
le grand' dispensateur des commandes, leur signalant le Véronèse
comme une merveille de la nature. Paolo cependant, plein d’un
juste orgueil, en butte à la jalousie d’une cabale à la tête de
laquelle était le Zelotti, qui avait débuté avec lui dans la vie, et dont
chaque jour le nom s’effaçait devant le sien,, se tenait volontiers
à l’écart, vivant dans son atelier au lieu d’aller, comme les autres,
au Broglio, sous les procuraties, à l'heure de l’intrigue, solliciter
les suffrages des sénateurs et des membres des Commissions, comme
un artiste habile vient aujourd’hui faire sa cour à nos édiles à la
veille des scrutins. Paolo peignait donc sans cesse, sans souci des
concessions et sans chercher à plaire à des juges qu’il ne reconnais-
sait point comme ses pairs; il s’était fait aussi un puissant ennemi
de Contarini dont le suffrage était décisif. Persistant sans cesse dans
son attitude hautaine, il se borna à faire une esquisse le jour où
on ouvrait un concours pour une composition, assez considérable
puisqu’elle fut l'objet de toutes les convoitises; et le jour même où
fut rendu public le jugement relatif au plafond central de la salle
du Grand Conseil, c’est par la foule enthousiaste qui portait alors un
intérêt fiévreux à ces belles luttes qu’il apprit le nom du vainqueur
du concours, et ce nom était le sien.

Les chroniques du temps racontent que, forcé de se présenter
devant Contarini de qui il relevait comme juge, celui-ci lui reprocha
à la fois son orgueil et son abstention; le Véronèse, homme simple
et qui s’exprimait avec fierté et sans détour, répondit à l’illustre
sénateur : « Je m’entends mieux à mériter les honneurs qu’à les
rechercher. » Contarini fut assez généreux pour désarmer devant
une telle franchise, et devint son protecteur et son ami. C’est par son
 
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