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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

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Nr. 1
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Ephrussi, Charles: François Gérard, 2: d'après les lettres publiées par M. le Baron Gérard
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0089
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

« Quatre ou cinq artistes de dix-huit à vingt-deux ans, Édouard Bendemann,
Lessing, ïlübner, Sohn et Ilildebrandt, se meuvent avec une liberté de sentiment,
un tact délicat des convenances qui étonnent. Te me suis toujours un peu douté
de ce que, dans les arts, l’homme peut donner à l’homme. Les grandes inspirations
viennent du cœur, s’agrandissent par l’aspect de la nature et des chefs-d’œuvre
des siècles antérieurs. Mon système est ébranlé. M. Schadow, homme habile et de
beaucoup d’esprit, fait faire tout autour de lui mieux qu’il n’a jamais produit lui-
même, et ce qui prouve qu’il est homme supérieur, c’est qu’il aime à en convenir
lui-même et qu’il jouit paternellement (presque comme saint Joseph) de cette
mystérieuse influence. Un groupe de juifs captifs dans Babylone, exprimant cette
douleur qui agrandit l’humanité, rappelait, dans de beaucoup plus grandes dimen-
sions, la noblesse du style des Moissonneurs de Robert, tout en déployant une
exécution technique d'une haute perfection. C’est l’ouvrage d’Édouard Bendemann,
âgé de vingt ans, appartenant à une famille très riche et ayant peint ce beau tableau
à son retour de Rome... Cette École de Düsseldorf, pour la caractériser davantage,
n’a aucun reflet de l’aridité de l’ancienne École allemande; elle est vraie, animée,
poétique, naïve sans niaiserie. Elle a produit quelques ouvrages charmants : le
Pêcheur, d’après un poème de Goethe, Hylas, Léonore, qui conduiraient, avec
plus de faire, vers votre Daphnis et Chloé. Je nomme le sommet auquel conduit
une route qui serpente longtemps. »

Pendant que Humboldt transmettait à Gérard ses impressions
sur l’art allemand, un autre ami du peintre, Barbier-Walbonne, lui
adressait de Londres sur la peinture anglaise des appréciations d’une
justesse rare à cette époque et qui devançaient d’un demi-siècle les
jugements d’une critique plus renseignée. Après quelques plaintes
sur le climat brumeux de Londres ;

« Ce qu’il y a de particulier, écrit Barbier-Walbonne, c’est que la peinture des
Anglais est pleine de lumière, de force et de richesse dans les tons. Les Italiens do
nos jours 1 ont l’air de peindre dans les brouillards du nord, et messieurs les
Anglais sous le beau ciel de l’Italie. La première fois que j’ai été voir leur exhibi-
tion, j’ai été frappé de la magie de leur peinture. Leurs portraits ont des reliefs
que nous sommes loin d’atteindre. Il y a des portraits de Lawrence, de Philips, etc.,
qui ont l’air de faire partie du public qui les regarde. L’école anglaise suit toujours
l’école de Reynolds, mais avec plus de mollesse. Ils marchent quelquefois de front
avec la nature, en prenant une route tout opposée. Lorsqu’on voit de près leurs
tableaux, on y trouve de l’exaltation sans vérité dans la couleur, mais l’ensemble

1. Barbier-Walbonne avait qualité pour parler de l’art italien; il avait long-
temps habité Rome, Florence et Naples. De cette dernière ville il envoie à
Gérard (1820) un très piquant récit de la révolution constitutionnelle si alertement
menée par le général Pepe et, incidemment, quelques détails sur les représentations
de San-Carlo : « La musique de Rossini fait fureur. La Donna del Lago et la
Gazza ladra m’ont fait grand plaisir. Il n’est pas possible d’entendre un orchestre
plus riche et plus bruyant, à moins d’y placer une batterie de vingt-quatre ».
 
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