96
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
également été complétés avec du plâtre. Comme de raison, personne
ne songea à remplacer les bras et les pieds.
Au printemps de 1884, lorsque la statue ainsi réparée apparut sur
son avant de galère, ce fut un concert de louanges où pas une voix
discordante ne s’éleva. Le Louvre possédait une merveille de plus,
devant laquelle, comme disait spirituellement M. Ravaisson, « la
Vénus de Milo n’avait qu’à se bien tenir!... »
A l’époque où Rayet publia, dans les Monuments de l’art antique,
une notice sur la Victoire de Samothrace il ne put faire reproduire
en héliogravure que la statue mutilée, telle qu’on l’avait vue pendant
vingt ans au fond de la salle des Caryatides. Depuis 1884, la Victoire
sur son piédestal a été plusieurs fois photographiée et l’on en a
donné dans divers recueils, notamment dans la Revue des Musées et
dans l’Histoire des Grecs de M. Duruy, des vues d’ensemble très
satisfaisantes. Il nous a paru cependant que ce chef-d’œuvre méritait
une fois de plus les honneurs de l’héliogravure, d’autant plus que
l’occasion nous était offerte de faire connaître en même temps le seul
essai de restitution auquel il ait encore donné lieu chez nous.
On l’a dit souvent, et il faut le répéter encore : nos artistes sont
trop indifférents à l’histoire de l’art. Aucun d’eux, que je sache, n’a
présenté au public une restitution de la Vénus de Milo : il a fallu qu’un
philosophe antiquaire, M. Ravaisson, leur en donnât l’exemple, alors
que plusieurs étrangers s’y étaient essayés avant lui. Même indiffé-
rence à l’égard de VHermès de Praxitèle, qui a été restauré par un
sculpteur prussien. Pour la Victoire de Samothrace, nous avons assisté
au même spectacle : le modèle exécuté par le sculpteur autrichien
M. Zumbusch, correspondant de notre Académie des Beaux-Arts,
était exposé à Vienne et reproduit par le moulage depuis près de
quinze ans lorsqu’un artiste français, poussé par un amateur comme
il y en a trop peu, s’est résigné à croire qu’il ne dérogerait pas en
s’appliquant, lui aussi, à pareille tâche. Les bonnes idées sont pour
ainsi dire dans l’air et un second artiste français a entrepris de
son côté le même travail; mais nous ne devons parler ici que du pre-
mier essai, le seul, du reste, qui soit achevé au moment où nous
écrivons ces lignes.
La restauration de M. Zumbusch est si peu connue chez nous que
nou,s n’hésitons pas à reproduire une des gravures qui. en ont été
faites en Allemagnes, avec une autre vue de la même statuette
■1. Monuments de l'art antique, t. II, notice de la pl. 52 (livraison II, pl. I).
2. Baumeister, Denkmàler, t. II, p. 1023, fig. 1233.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
également été complétés avec du plâtre. Comme de raison, personne
ne songea à remplacer les bras et les pieds.
Au printemps de 1884, lorsque la statue ainsi réparée apparut sur
son avant de galère, ce fut un concert de louanges où pas une voix
discordante ne s’éleva. Le Louvre possédait une merveille de plus,
devant laquelle, comme disait spirituellement M. Ravaisson, « la
Vénus de Milo n’avait qu’à se bien tenir!... »
A l’époque où Rayet publia, dans les Monuments de l’art antique,
une notice sur la Victoire de Samothrace il ne put faire reproduire
en héliogravure que la statue mutilée, telle qu’on l’avait vue pendant
vingt ans au fond de la salle des Caryatides. Depuis 1884, la Victoire
sur son piédestal a été plusieurs fois photographiée et l’on en a
donné dans divers recueils, notamment dans la Revue des Musées et
dans l’Histoire des Grecs de M. Duruy, des vues d’ensemble très
satisfaisantes. Il nous a paru cependant que ce chef-d’œuvre méritait
une fois de plus les honneurs de l’héliogravure, d’autant plus que
l’occasion nous était offerte de faire connaître en même temps le seul
essai de restitution auquel il ait encore donné lieu chez nous.
On l’a dit souvent, et il faut le répéter encore : nos artistes sont
trop indifférents à l’histoire de l’art. Aucun d’eux, que je sache, n’a
présenté au public une restitution de la Vénus de Milo : il a fallu qu’un
philosophe antiquaire, M. Ravaisson, leur en donnât l’exemple, alors
que plusieurs étrangers s’y étaient essayés avant lui. Même indiffé-
rence à l’égard de VHermès de Praxitèle, qui a été restauré par un
sculpteur prussien. Pour la Victoire de Samothrace, nous avons assisté
au même spectacle : le modèle exécuté par le sculpteur autrichien
M. Zumbusch, correspondant de notre Académie des Beaux-Arts,
était exposé à Vienne et reproduit par le moulage depuis près de
quinze ans lorsqu’un artiste français, poussé par un amateur comme
il y en a trop peu, s’est résigné à croire qu’il ne dérogerait pas en
s’appliquant, lui aussi, à pareille tâche. Les bonnes idées sont pour
ainsi dire dans l’air et un second artiste français a entrepris de
son côté le même travail; mais nous ne devons parler ici que du pre-
mier essai, le seul, du reste, qui soit achevé au moment où nous
écrivons ces lignes.
La restauration de M. Zumbusch est si peu connue chez nous que
nou,s n’hésitons pas à reproduire une des gravures qui. en ont été
faites en Allemagnes, avec une autre vue de la même statuette
■1. Monuments de l'art antique, t. II, notice de la pl. 52 (livraison II, pl. I).
2. Baumeister, Denkmàler, t. II, p. 1023, fig. 1233.