GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
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tal, soumis, sur ces entrefaites, au Conseil des bâtiments civils? Il se
peut, le grand artiste n’ayant,jamais été l’homme du premier jet.
Tête nue, le regard à gauche, le corps portant sur la jambe droite, la
gauche avancée au bord du socle, une main à la garde de l’épée,
l’autre retombant le long de la cuisse et froissant le gant d’ordon-
nance : c’est le premier troupier venu. Le large cordon de la Légion
d’honneur coupant, en sautoir, les chamarrures du plastron, n’im-
prime pas plus grand caractère que le vaste et pesant manteau déroulé
de l’épaule gauche — le manteau de Monge et de Bertrand. Si Rude
est l’auteur de cet arrangement, il a été bien avisé d’en chercher un
autre. Mais il n’a pas tardé, par bonheur, à fairejaillir son originalité.
Les chroniques des batailles impériales retentissent du cri de Ney :
En avant! en avant! C’est Ney fanatisant le soldat, le sabre au poing,
le cri à la bouche, que Rude va tirer du bronze. Il ne rappellera
point, comme il l’eût voulu, l’outrage de sa mort : il résumera, une
fois de plus, dans une attitude, une glorieuse vie.
Au mois d’octobre 1852, le modèle est fort avancé, au moins comme
dessous. Rudea, selon sondroit, demandéun acompte; on envoie, dans
son atelier, l’inspecteur des Beaux-Arts, J. Pasqualini, vérifier l’état
d’avancement de l’œuvre : « La statue, qui n’est encore qu’en terre glaise,
est bien modelée, écrit ce personnage au patois naïf, mais elle n’est pas
encore costumée ; elle est entièrement nue. Ce travail consciencieux et savant
est à peu près au tiers de son exécution. » Le mois suivant, avertissement
de Rude à l’administration que l’ouvrage sera, prochainement, remis
au fondeur. Il devient urgent d’obtenir de la commission municipale
de Paris la concession d’un terrain circulaire de neuf mètres de cir-
conférence et d’accélérer la construction du piédestal. Malgré l’acti-
vité déployée, des lenteurs se produisent. Ce n’est que le 4 mars 1853
que la ville de Paris concède la place ; ce n’est que le 14 mai que
l’architecte en prend possession. Rude assiste en curieux à l’édifica-
tion du massif où posera son bronze. Les ciseleurs d’Eck et Durand
donnent la dernière main à sa statue. Le 7 décembre, trente-huitième
anniversaire de la mort de Ney, aura lieu l’inauguration. Déjà Ton
arrive aux derniers jours de novembre. Sera-t-on prêt? Gisors se
multiplie à stimuler le zèle des entrepreneurs. Enfin, le 4 décembre,
voici le héros dressé sur son socle. Il reste à élever des tribunes, à
disposer les décorations de circonstance. On abat sept ou huit arbres
qui gênaient la circulation et obstruaient la vue. Charpentiers et
tapissiers, peintres et serruriers font rage ensemble. Au fond, une
grande estrade; à droite, à gauche, deux autres plus petites, réser-
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tal, soumis, sur ces entrefaites, au Conseil des bâtiments civils? Il se
peut, le grand artiste n’ayant,jamais été l’homme du premier jet.
Tête nue, le regard à gauche, le corps portant sur la jambe droite, la
gauche avancée au bord du socle, une main à la garde de l’épée,
l’autre retombant le long de la cuisse et froissant le gant d’ordon-
nance : c’est le premier troupier venu. Le large cordon de la Légion
d’honneur coupant, en sautoir, les chamarrures du plastron, n’im-
prime pas plus grand caractère que le vaste et pesant manteau déroulé
de l’épaule gauche — le manteau de Monge et de Bertrand. Si Rude
est l’auteur de cet arrangement, il a été bien avisé d’en chercher un
autre. Mais il n’a pas tardé, par bonheur, à fairejaillir son originalité.
Les chroniques des batailles impériales retentissent du cri de Ney :
En avant! en avant! C’est Ney fanatisant le soldat, le sabre au poing,
le cri à la bouche, que Rude va tirer du bronze. Il ne rappellera
point, comme il l’eût voulu, l’outrage de sa mort : il résumera, une
fois de plus, dans une attitude, une glorieuse vie.
Au mois d’octobre 1852, le modèle est fort avancé, au moins comme
dessous. Rudea, selon sondroit, demandéun acompte; on envoie, dans
son atelier, l’inspecteur des Beaux-Arts, J. Pasqualini, vérifier l’état
d’avancement de l’œuvre : « La statue, qui n’est encore qu’en terre glaise,
est bien modelée, écrit ce personnage au patois naïf, mais elle n’est pas
encore costumée ; elle est entièrement nue. Ce travail consciencieux et savant
est à peu près au tiers de son exécution. » Le mois suivant, avertissement
de Rude à l’administration que l’ouvrage sera, prochainement, remis
au fondeur. Il devient urgent d’obtenir de la commission municipale
de Paris la concession d’un terrain circulaire de neuf mètres de cir-
conférence et d’accélérer la construction du piédestal. Malgré l’acti-
vité déployée, des lenteurs se produisent. Ce n’est que le 4 mars 1853
que la ville de Paris concède la place ; ce n’est que le 14 mai que
l’architecte en prend possession. Rude assiste en curieux à l’édifica-
tion du massif où posera son bronze. Les ciseleurs d’Eck et Durand
donnent la dernière main à sa statue. Le 7 décembre, trente-huitième
anniversaire de la mort de Ney, aura lieu l’inauguration. Déjà Ton
arrive aux derniers jours de novembre. Sera-t-on prêt? Gisors se
multiplie à stimuler le zèle des entrepreneurs. Enfin, le 4 décembre,
voici le héros dressé sur son socle. Il reste à élever des tribunes, à
disposer les décorations de circonstance. On abat sept ou huit arbres
qui gênaient la circulation et obstruaient la vue. Charpentiers et
tapissiers, peintres et serruriers font rage ensemble. Au fond, une
grande estrade; à droite, à gauche, deux autres plus petites, réser-