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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

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Nr. 2
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Wyzewa, Teodor de: Thomas Lawrence et la Société anglaise de son temps, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0141
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

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quelques mois lorsque ses parents quittèrent Bristol pour aller
tenter la fortune, sans plus de succès d’ailleurs, dans la petite ville
de Devizes. C’est là, à l’enseigne de l'Ours noir, que l’enfant reçut ses
premières leçons. Son père, qui aimait la poésie bien davantage qu’il
ne sied à un aubergiste, lui apprit à lire dans Shakespeare, dans
Milton, et dans les recueils des poètes du temps. L’enfant non
seulement eut vite fait d’épeler ces poèmes, mais, à mesure qu’il ache-
vait de les épeler, il se trouvait les savoir par cœur et pouvait réciter,
au hasard, tels passages qu’on lui indiquait.

Les leçons de dessin qu’il reçut dans ses premières années ne
semblent pas avoir été moins profitables : car ses biographes racon-
tent qu’à cinq ans, lorsqu’il avait suffisamment étonné les dignes
clients de Y Ours noir en leur récitant des odes de Collins ou des
scènes de Shakespeare, il descendait dé la table où on l’avait hissé, et
exécutait les portraits de ses auditeurs.

De telles'aptitudes, dans une petite ville, ne pouvaient manquer
d’exciter l’attention. On vint en foule passer la soirée à l'Ours noir
pour entendre le jeune prodige et recevoir de lui, par-dessus le
marché, un beau portrait au fusain. Un soir, le fameux Garrick se
trouvait dans l’assistance ; il fut charmé, et, caressant les cheveux
bouclés de l’enfant, il lui dit : « Mais qu’est-ce que tu veux être plus
tard, acteur ou peintre ? »

Les biographes qui nous ont conservé cette anecdote, au demeu-
rant assez banale pour pouvoir être vraie, ont négligé de nous trans-
mettre la réponse de Tommy. J’imagine que l’enfant, si on l’avait
laissé répondre selon son cœur, aurait dit que sou rêve était d’être
joueur de billes ou encore un petit gentleman vêtu à la mode et
dispensé de monter sur les tables quand il avait envie de dormir.
Mais sans doute fut-ce le père qui se chargea de la réponse, et sans
doute l’espoir de la protection de Garrick lui fut-il une raison déplus
pour destiner son fils au métier d’acteur. Toujours est-il qu’il l’y
destina, car jusqu’à neuf ans l’enfant ne cessa pas d’apprendre et de
réciter d’innombrables morceaux dramatiques.

Mais le père de Lawrence était un excellent homme, qui, tout en
se réjouissant de l’argent que lui rapportait son Tommy, n’en chéris-
sait que davantage ce précieux enfant. Et Ton raconte qu’il se résigna
de fort bon cœur à faire un peintre de son fils, le jour où celui-ci
vint lui dire qu’il avait vu, à Corsham House, un tableau de Rubens
si beau, qu’il s’était juré en pleurant d’arriver à en faire autant. Le
pauvre Lawrence avait raison de mêler des larmes à cette noble réso-
 
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