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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
et collectionneur Jean Mariette (gravé par J. Daullé). Les noms de
ces trois hommes suffiraient à prouver que Pesne, à Paris, vivait en
bonne société, et que son art jouissait dans sa patrie d’une consi-
dération très particulière.
Des travaux exécutés par Pesne à Londres, nous ne savons mal-
heureusement rien, sauf qu’ils ne paraissent pas avoir été accueillis
avec une bien vive faveur. Pourtant, là aussi, il a été en relation
avec les cercles les plus élevés de l’aristocratie, comme le prouve une
lettre écrite par lui, le 27 janvier 1728, à Frédéric-Guillaume Ier, et
où il demande la permission de copier pour Mme la duchesse de Quin-
thel (Kendal?), qui lui a écrit à ce sujet, un portrait qu’il a fait du
prince héritier. Dans la même lettre, Pesne dit en passant que, pour
son voyage à Londres et pour les travaux qu’il y a exécutés, il aura à
demander la somme de 1,750 écus.
Après ses succès de Paris, la vie bourgeoise et terne que lui
offrait alors Berlin doit avoir peu séduit notre peintre, et la seule
explication que nous ayons de la résolution qu’il prit de rester en
Prusse se trouve dans ce fait que, pareil à César, il préférait être le
premier à Berlin que le second à Paris. Il s’était mis d’ailleurs,
assisté de nombreux aides et élèves, à pratiquer, pour ainsi dire, en
gros la peinture de portraits ; et c’est à peine s’il y a une famille
importante de ce temps qu’il n’ait point représentée, en outre des
multiples portraits des membres de la famille royale. Ceux-là, à dire
vrai, il les faisait reproduire par ses aides, de façon à permettre au
roi de les donner à tous ses amis. Cette abondance de tableaux d’ate-
lier et de reproductions des mêmes originaux a beaucoup contribué
à discréditer le talent de Pesne, d’autant plus que c’est surtout sur
des œuvres de ce genre qu’on a occasion de le juger, ses bons por-
traits étant relativement fort rares sur le marché, et détenus, aujour-
d’hui encore, dans les châteaux princiers et les maisons des vieilles
familles aristocratiques. Il convient de laisser à une biographie plus
détaillée du peintre le soin d’apprécier et de contrôler cette multi-
tude de tableaux. Mais nous devons faire remarquer ici que si cette
production de portraits n’était point faite pour aider aux progrès
artistiques du talent de Pesne, elle lui fournissait du moins l’occa-
sion d’employer de nombreux aides et élèves, et d’entretenir ainsi
une sorte d’académie privée, à laquelle il s’intéressait très vivement.
Nous trouvons, à plusieurs reprises, dans les écrits du temps,
l’éloge de la sollicitude et de la bonne grâce avec lesquelles il se
préoccupait de l’éducation artistique de ses élèves. L’Académie de
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
et collectionneur Jean Mariette (gravé par J. Daullé). Les noms de
ces trois hommes suffiraient à prouver que Pesne, à Paris, vivait en
bonne société, et que son art jouissait dans sa patrie d’une consi-
dération très particulière.
Des travaux exécutés par Pesne à Londres, nous ne savons mal-
heureusement rien, sauf qu’ils ne paraissent pas avoir été accueillis
avec une bien vive faveur. Pourtant, là aussi, il a été en relation
avec les cercles les plus élevés de l’aristocratie, comme le prouve une
lettre écrite par lui, le 27 janvier 1728, à Frédéric-Guillaume Ier, et
où il demande la permission de copier pour Mme la duchesse de Quin-
thel (Kendal?), qui lui a écrit à ce sujet, un portrait qu’il a fait du
prince héritier. Dans la même lettre, Pesne dit en passant que, pour
son voyage à Londres et pour les travaux qu’il y a exécutés, il aura à
demander la somme de 1,750 écus.
Après ses succès de Paris, la vie bourgeoise et terne que lui
offrait alors Berlin doit avoir peu séduit notre peintre, et la seule
explication que nous ayons de la résolution qu’il prit de rester en
Prusse se trouve dans ce fait que, pareil à César, il préférait être le
premier à Berlin que le second à Paris. Il s’était mis d’ailleurs,
assisté de nombreux aides et élèves, à pratiquer, pour ainsi dire, en
gros la peinture de portraits ; et c’est à peine s’il y a une famille
importante de ce temps qu’il n’ait point représentée, en outre des
multiples portraits des membres de la famille royale. Ceux-là, à dire
vrai, il les faisait reproduire par ses aides, de façon à permettre au
roi de les donner à tous ses amis. Cette abondance de tableaux d’ate-
lier et de reproductions des mêmes originaux a beaucoup contribué
à discréditer le talent de Pesne, d’autant plus que c’est surtout sur
des œuvres de ce genre qu’on a occasion de le juger, ses bons por-
traits étant relativement fort rares sur le marché, et détenus, aujour-
d’hui encore, dans les châteaux princiers et les maisons des vieilles
familles aristocratiques. Il convient de laisser à une biographie plus
détaillée du peintre le soin d’apprécier et de contrôler cette multi-
tude de tableaux. Mais nous devons faire remarquer ici que si cette
production de portraits n’était point faite pour aider aux progrès
artistiques du talent de Pesne, elle lui fournissait du moins l’occa-
sion d’employer de nombreux aides et élèves, et d’entretenir ainsi
une sorte d’académie privée, à laquelle il s’intéressait très vivement.
Nous trouvons, à plusieurs reprises, dans les écrits du temps,
l’éloge de la sollicitude et de la bonne grâce avec lesquelles il se
préoccupait de l’éducation artistique de ses élèves. L’Académie de