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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 7.1892

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Michel, Émile: Les Cuyp, 1: une famille d'artistes hollandais
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https://doi.org/10.11588/diglit.24660#0030
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LES CUYP.

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de sa prison, un de ses plus importants et de ses meilleurs ouvrages;
d’autres enfin à Dessau, à Cologne, à Marseille (où il est catalogué
Rembrandt), à Bordeaux, etc. Pour ces diverses compositions, les
modèles du peintre n’ont pas été choisis dans un monde bien relevé
et ainsi que le remarque M. Bredius* : « Benjamin montre une
regrettable prédilection pour les types vulgaires : aussi est-il facile-
ment reconnaissable. Ses apôtres sont des vagabonds et ses anges des
compères sujets à caution. » Au Ryksmuseum, le Joseph expliquant
les songes dans sa prison semble un drôle aussi fieffé que ses deux
compagnons de captivité. Bien des traits d’une trivialité excessive
ne sont pas moins déplacés dans ces sujets pour lesquels le style et
la noblesse auxquels nous ont habitués les Italiens nous rendent
exigeants. Ainsi dans les Anges au tombeau du Christ du Musée de
Stockholm, l’un de ces anges, en ôtant la pierre du sépulcre, cul-
bute de la façon la plus grotesque le soldat endormi sur cette pierre,
au grand émoi de ses voisins qui témoignent de leur effroi par des
attitudes désordonnées. Dans le Saint Pierre de la collection Habich
à Cassel, le vieux saint, au lieu de suivre l’ange à épaisse carrure
qui l’a réveillé, boucle soigneusement ses guêtres, tandis qu’à côté de
lui, un des soudards qui le gardent, dort en ronflant, la bouche ouverte.

Ces détails à coup sûr fort peu séants et les accoutrements
étranges dont Cuyp affuble ses personnages étaient, il faut le recon-
naître, dans le goût de ce temps, et nous pourrions relever des traits
aussi déplacés dans maint tableau de Rembrandt lui-mème. Mais
tandis qu’ils sont atténués chez le maitre par l’originalité des inven-
tions, par la merveilleuse puissance du sentiment et le charme
incomparable de la facture, chez Cuyp, au contraire, l’aspect criard
des colorations, la rudesse et parfois la gaucherie de l’exécution, nous
font paraître encore plus choquante la familiarité de son naturalisme.
Malgré tout, en dépit de ces violences et de ces vulgarités, en dépit
des oppositions excessives entre les lumières blafardes et les ombres
opaques qui déparent quelques-uns de ses tableaux, on ne saurait
méconnaître la force et le sens de la vie qui éclatent dans les meil-
leurs ouvrages de ce chercheur dont l’àge aurait sans doute assoupli
le talent et qu’une mort prématurée empêcha de donner toute sa
mesure.

ÉMILE MICHEL.

(La suite prochainement.)

1. Chefs-d’œuvre du Musée d’Amsterdam, 1 vol. in-fol., Librairie de l’Art, p. 185.
 
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