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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 7.1892

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Nr. 1
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Fourcaud, Louis de: L' art gothique, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24660#0071
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02

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

diocèses et recueillent de l'argent. Les pénitences canoniques, telles
que l’abstinence du beurre en temps de carême, sont levées, moyen-
nant une aumône, au profit de la basilique. Une des tours de la
cathédrale de Rouen tirera, plus tard, de cette origine son nom de
« tour de beurre ». Diverses indulgences sont promises encore à
ceux qui viendront en pèlerinage aux grandes églises en construction
et y laisseront des présents. Les dons en matériaux et en journées
de travail sont reçus non moins que les dons pécuniaires. Les gens
des villes ouvrent leurs bourses; les gens des campagnes offrent leurs
bras et leurs animaux pour les transports. Depuis les grands jours où
Suger appelait et voyait venir à lui toutes les bonnes volontés, afin
de coopérer à son abbatiale, on n’avait jamais rien vu de pareil. Un
archevêque de Rouen, Hugues d’Amiens, cité par M. Gonse, nous a
légué un saisissant tableau de cette mystique effervescence.

« C’est à Chartres, nous dit-il, que les hommes, par esprit
d’humilité, ont commencé à traîner des charrettes et des chariots
pour aider à la construction de la cathédrale. C’est là aussi que Dieu
a, surtout, fait éclater des miracles pour récompenser le dévouement
de ses serviteurs. Le bruit s’en est répandu au loin et a mis la
Normandie en émoi. Les fidèles de notre province sont allés, d’abord,
à Chartres, porter le tribut de leurs vœux à la Mère de Dieu ; puis,
ils se sont habitués à prendre leurs propres cathédrales pour but de ces
pieux pèlerinages. Ils forment ainsi de saintes confréries, dans
lesquelles personne n’est admis sans confesser ses fautes, sans rece-
voir une pénitence et sans se réconcilier avec ses ennemis. Les
confrères se donnent un chef, à la voix duquel, tous, soumis et religieux,
traînent sur des charrettes les offrandes qu'ils portent aux églises 1... » De
nombreux documents, résumés dans les monographies des édifices,
nous permettent de nous représenter au naturel ces surprenantes et
très fréquentes manifestations de la foi. Je cite de nouveau Y Art
gothique : « Hommes et femmes, riches et pauvres s’attelaient aux
chars sur lesquels s’entassaient la pierre, la chaux, le bois, les vivres
pour les ouvriers. Les populations accouraient; chaque paroisse se
mettait en route avec ses vieillards et ses enfants; on emmenait
même les malades dans l’espoir de leur faire miraculeusement
recouvrer la santé. Les bannières ouvraient la marche ; des trompettes
donnaient le signal des manœuvres. Les fardeaux étaient énormes ;

1. Lettre de Hugues, archevêque de Rouen, à Thierry, évêque d’Amiens, écrite
e n 1145. — Annales bénédictines, de Mabillon, t. VI.
 
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