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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 7.1892

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Nr. 1
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Fourcaud, Louis de: L' art gothique, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24660#0072

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L’ART GOTHIQUE.

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parfois, il fallait les efforts d’un millier de pèlerins pour imprimer
le mouvement à un seul char. Le convoi s’avançait au milieu d'un
profond silence. Dans les haltes, on n’entendait que les confessions,
les prières et le chant des pénitents... Arrivés au terme du voyage,
les pèlerins rangeaient les chariots autour de l’église et formaient
une sorte de camp qu’ils illuminaient, et où ils passaient la nuit en
prières ' ... »

Je ne crains pas d’insister sur ces détails. Un aussi extraordi-
naire phénomène que le surgissement presque simultané de vingt
basiliques gigantesques dans une période de cent ans, répond à un
état d’âme non moins extraordinaire. Nous avons indiqué des causes
morales, sociales, politiques. Je ne me charge point d’expliquer cette
intensité fiévreuse d’un sentiment religieux, tout ensemble ascétique
et merveilleusement actif. Seulement les faits sont devant nous. Il
est également impossible de les éluder et de descendre au fond du
cœur de ces générations admirables. Le xive siècle ne connaîtra rien
de ces ardeurs. Les cierges des pèlerinages s’éteindront; les enfants
ne feront guère que continuer les monuments entrepris par les
pères, mais par convenance et sans conviction, en rabattant même,
sur bien des points, de leurs ambitieuses visées. On aura trop souffert
des dissensions intérieures et de la domination étrangère. On bornera
ses désirs ; on subira des lassitudes. Peu à peu, les énergies faibli-
ront. Et les évêques eux-mêmes, refroidis, tournés aux jouissances
et aux intrigues, aspireront, comme les hauts barons humiliés, à
devenir des courtisans...

Je ne saurais m’étendre ici sur les chefs-d’œuvre multiples,
touffus, regorgeant d’idées, de formes, d’expressions, de symboles,
d’habiletés techniques, créés ou repris durant la maîtresse époque de
l’ogive. M. Gonse, qui a écrit, proprement, le livre des origines et
des conséquences du principe ogival, emploie de longues pages à les
définir brièvement. Il faut lire ces monographies succinctes et
lucides, où tout s’indique d’un trait, même la filiation des détails. Je
crois impossible de montiœr plus nettement les choses en leur essence
spéciale et dans leurs rapports entre elles. Les plus instruits y
trouveront à apprendre et les amateurs de bonne volonté y saisiront
la vraie portée de notre art national, si méconnu qu’un Lamartine
n’a pas craint de dire : « Le gothique est beau., mais il manque d'ordre et

t. Lettre de Haimon, abbé de Saint-Pierre-sur-Dives, aux religieux de l’abbaye
anglaise de Tuttebery. — Annales bénédictines, t. VI
 
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