LA SAINTE CÉCILE
DE STEPHANE MADERNE
u xvie siècle, à Rome et dans l’Italie
centrale, la sculpture est toute sous
l’influence de l’art antique. Bandinelli,
Montorsoli, Montelupo sont les maîtres
du jour. Avec eux, et pendant tout un
siècle, il semble que l’Italie veuille
renier son passé et renoncer à toutes
les qualités qui jusqu’alors avaient fait
sa grandeur. De l’art de Ghiberti, de
Donatello, de Luca délia Robbia, de
Rossellino, de Desiderio, de Pollajuolo,
du Yerrocchio, il ne subsiste rien. En un jour, l’Italie renonce à
toutes les conquêtes si ardemment poursuivies. Fascinée par la vue
de la statuaire antique, elle détourne ses yeux de la nature vivante
pour rechercher dans le passé les formes d’un monde disparu. Elle,
si incomparable dans l’art d’observer la figure humaine et de la
rendre dans la complexe variété de ses formes et de ses pensées, elle
si éprise de connaître cette humanité que l’âge, les climats, les
mœurs pétrissent en tant de moules différents, elle ferme les yeux,
elle ne regarde plus autour d’elle et, à toutes les formes diverses
sous lesquelles la vie se manifeste, elle tente de substituer une
forme unique; elle veut proscrire l’individuel, sous prétexte d’idéal.
Et cet idéal, les artistes le créent, non pas même en cherchant à
généraliser les formes particulières de leur race et de leur siècle,
mais en s’inspirant uniquement des modèles que la statuaire antique
offrait à leurs yeux étonnés. L’homme idéal qu’ils rêvent n'est qu’un
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DE STEPHANE MADERNE
u xvie siècle, à Rome et dans l’Italie
centrale, la sculpture est toute sous
l’influence de l’art antique. Bandinelli,
Montorsoli, Montelupo sont les maîtres
du jour. Avec eux, et pendant tout un
siècle, il semble que l’Italie veuille
renier son passé et renoncer à toutes
les qualités qui jusqu’alors avaient fait
sa grandeur. De l’art de Ghiberti, de
Donatello, de Luca délia Robbia, de
Rossellino, de Desiderio, de Pollajuolo,
du Yerrocchio, il ne subsiste rien. En un jour, l’Italie renonce à
toutes les conquêtes si ardemment poursuivies. Fascinée par la vue
de la statuaire antique, elle détourne ses yeux de la nature vivante
pour rechercher dans le passé les formes d’un monde disparu. Elle,
si incomparable dans l’art d’observer la figure humaine et de la
rendre dans la complexe variété de ses formes et de ses pensées, elle
si éprise de connaître cette humanité que l’âge, les climats, les
mœurs pétrissent en tant de moules différents, elle ferme les yeux,
elle ne regarde plus autour d’elle et, à toutes les formes diverses
sous lesquelles la vie se manifeste, elle tente de substituer une
forme unique; elle veut proscrire l’individuel, sous prétexte d’idéal.
Et cet idéal, les artistes le créent, non pas même en cherchant à
généraliser les formes particulières de leur race et de leur siècle,
mais en s’inspirant uniquement des modèles que la statuaire antique
offrait à leurs yeux étonnés. L’homme idéal qu’ils rêvent n'est qu’un
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