LE MUSÉE DES ANTIQUES A VIENNE.
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caractères l’enchevêtrement des personnages, la multiplicité des
plans, la tendance à remplir tous les vides par des amorces de
figures; il n’y a rien de tel dans nos bas-reliefs, où l’on constate en
revanche un goût prononcé pour la symétrie et le parti pris de
placer les têtes sur une ligne presque exactement horizontale. Ce
sont là des qualités plutôt architecturales que picturales ; on y recon-
naît que le bas-relief n’est pas encore, si l’on peut dire, tout à fait
émancipé de la paroi qu’il a pour mission de décorer.
IV.
A l’art grec de la belle époque appartiennent encore, à Vienne,
deux têtes féminines, l’une et l’autre d’un travail excellent, mais de
conservation très inégale. La plus ancienne, qui présente encore
quelques caractères de l’art du ve siècle, est plus grande que nature;
on ne sait rien touchant son lieu d’origine. Le nez et la lèvre supé-
rieure sont complètement brisés, mais l’ensemble reste très expressif
malgré ces mutilations. Peut-être n’est-on pas autorisé, en l’absence
de tout attribut, à reconnaître Aphrodite dans cette tête majestueuse
et douce; on pourrait aussi songer à Hygie. Il existe ainsi dans les
Musées toute une série de têtes féminines, appartenant à cet art du
ive siècle qui continue celui du ve et pour lesquelles l’archéologue,
cherchant un nom, hésite sans cesse entre Aphrodite, Hygie, Héra,
Niké ou même Artémis. Un exemple frappant de ces incertitudes de
l’exégèse est fourni par un très beau buste appartenant au Cabinet
des Médailles1, où Ch. Lenormant, qui en a le premier signalé
l’importance, n’hésitait pas à voir la partie supérieure d’une des
figures des frontons du Parthénon, rapportée en France par quelque
soldat de Morosini. Depuis que cette hypothèse a été abandonnée, on
n’a pas cessé d’admirer la tête en question, qui présente des analo-
gies avec celle de Vienne, mais on ne sait à quelle déesse se vouer
pour lui trouver un nom acceptable. Quelques-uns, en désespoir de
cause, l’ont dénommée... Apollon!1 2 Pour notre part, nous incline-
rions à y voir Hygie, mais sans pouvoir alléguer même l’ombre d’une
preuve à l’appui de cette supposition.
1. Babelon, Le Cabinet des Antiques, pl. XXV.
2. Benndorf, Annali, 1880, p. 101, qui propose la même désignation pour la
tête de Vienne.
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caractères l’enchevêtrement des personnages, la multiplicité des
plans, la tendance à remplir tous les vides par des amorces de
figures; il n’y a rien de tel dans nos bas-reliefs, où l’on constate en
revanche un goût prononcé pour la symétrie et le parti pris de
placer les têtes sur une ligne presque exactement horizontale. Ce
sont là des qualités plutôt architecturales que picturales ; on y recon-
naît que le bas-relief n’est pas encore, si l’on peut dire, tout à fait
émancipé de la paroi qu’il a pour mission de décorer.
IV.
A l’art grec de la belle époque appartiennent encore, à Vienne,
deux têtes féminines, l’une et l’autre d’un travail excellent, mais de
conservation très inégale. La plus ancienne, qui présente encore
quelques caractères de l’art du ve siècle, est plus grande que nature;
on ne sait rien touchant son lieu d’origine. Le nez et la lèvre supé-
rieure sont complètement brisés, mais l’ensemble reste très expressif
malgré ces mutilations. Peut-être n’est-on pas autorisé, en l’absence
de tout attribut, à reconnaître Aphrodite dans cette tête majestueuse
et douce; on pourrait aussi songer à Hygie. Il existe ainsi dans les
Musées toute une série de têtes féminines, appartenant à cet art du
ive siècle qui continue celui du ve et pour lesquelles l’archéologue,
cherchant un nom, hésite sans cesse entre Aphrodite, Hygie, Héra,
Niké ou même Artémis. Un exemple frappant de ces incertitudes de
l’exégèse est fourni par un très beau buste appartenant au Cabinet
des Médailles1, où Ch. Lenormant, qui en a le premier signalé
l’importance, n’hésitait pas à voir la partie supérieure d’une des
figures des frontons du Parthénon, rapportée en France par quelque
soldat de Morosini. Depuis que cette hypothèse a été abandonnée, on
n’a pas cessé d’admirer la tête en question, qui présente des analo-
gies avec celle de Vienne, mais on ne sait à quelle déesse se vouer
pour lui trouver un nom acceptable. Quelques-uns, en désespoir de
cause, l’ont dénommée... Apollon!1 2 Pour notre part, nous incline-
rions à y voir Hygie, mais sans pouvoir alléguer même l’ombre d’une
preuve à l’appui de cette supposition.
1. Babelon, Le Cabinet des Antiques, pl. XXV.
2. Benndorf, Annali, 1880, p. 101, qui propose la même désignation pour la
tête de Vienne.