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GAZETTE DES BEAUX ARTS.
III.
Le hasard veut qu’à côté de cette admirable figure d’Amazone,
le Musée de Vienne possède aussi un sarcophage représentant une
bataille d’Amazones contre des Grecs, qui pouvait passer pour le plus
beau sarcophage connu jusqu’à la découverte récente de ceux de
Sidon1. D’après la notice qui accompagne une gravure exécutée en
1721, un membre de la célèbre famille d’Augsbourg, le comte
Maximilien Fugger, l’avait acquis à Ephèse, au cours d’un voyage
qu’il faisait en Asie Mineure après la bataille navale de Lépante
(1571). Bien que ce renseignement nous vienne d’une source peu
sûre, nous ne voyons pas de motif sérieux pour le révoquer en doute,
ou pour donner la préférence à l’une des autres versions, moins
autorisées encore, qui font venir le sarcophage des Amazones de
l’Attique ou de la Laconie par Venise.
Sur les deux longs côtés, dont nous reproduisons le mieux
conservé, on voit trois Grecs combattant trois Amazones; un qua-
trième Grec et deux Amazones ont déjà mordu la poussière. Le
milieu de la scène est occupé par un épisode pathétique : un guerrier
soutient son compagnon blessé en le protégeant, avec son bouclier,
contre le coup dont le menace une Amazone. Le reste de la scène se
compose de duels, comme dans les batailles homériques. Des motifs
analogues se trouvent sur les frises de Phigalie et d’Halicarnasse, qui
figurent également des batailles d’Amazones contre des Grecs. La
conformité de certains mouvements est telle qu’on est obligé
d’admettre un prototype, qui ne peut guère être qu’une composition
picturale assez étendue, probablement l’Amazonomachie que peignit
Micon dans le portique Pœcile à Athènes. Cependant le style des
figures, sur le sarcophage de Vienne, trahit une époque bien posté-
rieure au ve siècle; l’original qui a servi de modèle ne peut pas être
lui-même antérieur à la fin du ive, comme le montre, en particulier, la
silhouette un peu massive des chevaux. On pourrait même descendre
jusqu’au ne siècle, mais ce qui est certain, c’est que le sarcophage
n’appartient pas à l’époque romaine. Nous y trouvons, en effet, les
marques distinctives du bas-relief grec, qui empêchent de le con-
fondre avec les produits de l’art gréco-romain : ceux-ci ont pour
1. Voir la Gazette de février 1892.
GAZETTE DES BEAUX ARTS.
III.
Le hasard veut qu’à côté de cette admirable figure d’Amazone,
le Musée de Vienne possède aussi un sarcophage représentant une
bataille d’Amazones contre des Grecs, qui pouvait passer pour le plus
beau sarcophage connu jusqu’à la découverte récente de ceux de
Sidon1. D’après la notice qui accompagne une gravure exécutée en
1721, un membre de la célèbre famille d’Augsbourg, le comte
Maximilien Fugger, l’avait acquis à Ephèse, au cours d’un voyage
qu’il faisait en Asie Mineure après la bataille navale de Lépante
(1571). Bien que ce renseignement nous vienne d’une source peu
sûre, nous ne voyons pas de motif sérieux pour le révoquer en doute,
ou pour donner la préférence à l’une des autres versions, moins
autorisées encore, qui font venir le sarcophage des Amazones de
l’Attique ou de la Laconie par Venise.
Sur les deux longs côtés, dont nous reproduisons le mieux
conservé, on voit trois Grecs combattant trois Amazones; un qua-
trième Grec et deux Amazones ont déjà mordu la poussière. Le
milieu de la scène est occupé par un épisode pathétique : un guerrier
soutient son compagnon blessé en le protégeant, avec son bouclier,
contre le coup dont le menace une Amazone. Le reste de la scène se
compose de duels, comme dans les batailles homériques. Des motifs
analogues se trouvent sur les frises de Phigalie et d’Halicarnasse, qui
figurent également des batailles d’Amazones contre des Grecs. La
conformité de certains mouvements est telle qu’on est obligé
d’admettre un prototype, qui ne peut guère être qu’une composition
picturale assez étendue, probablement l’Amazonomachie que peignit
Micon dans le portique Pœcile à Athènes. Cependant le style des
figures, sur le sarcophage de Vienne, trahit une époque bien posté-
rieure au ve siècle; l’original qui a servi de modèle ne peut pas être
lui-même antérieur à la fin du ive, comme le montre, en particulier, la
silhouette un peu massive des chevaux. On pourrait même descendre
jusqu’au ne siècle, mais ce qui est certain, c’est que le sarcophage
n’appartient pas à l’époque romaine. Nous y trouvons, en effet, les
marques distinctives du bas-relief grec, qui empêchent de le con-
fondre avec les produits de l’art gréco-romain : ceux-ci ont pour
1. Voir la Gazette de février 1892.