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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 7.1892

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Nr. 4
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Reinach, Salomon: Le Musée des antiques à Vienne, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24660#0323
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296

GAZETTE DES BEAUX-AIITS.

Tralles, est évidemment inspirée du même idéal attique ; le reste du
corps offre quelques défauts de proportions qui ne permettent pas d’y
voir le travail original d’un artiste célèbre, mais la reproduction ou
plutôt la réduction libre d’une grande statue qui ornait sans doute
un temple de l’île.

Quelques autres têtes de style grec méritent encore de nous
arrêter. Il y a d’abord un Poséidon, tristement mutilé, mais où l’on
peut admirer, avec une exécution singulièrement large, la majesté
d’une expression un peu sombre, pareille à celle que l’art alexandrin
prête à Jupiter Sérapis. Ce beau marbre, découvert dans l’ile de
Chios, paraît remonter au début du in* siècle. M. Von Sacken a
publié, en la qualifiant dubitativement de Perséphone \ une tête d’une
admirable beauté, qui doit appartenir à la fin du ve siècle ou dériver
d’un original de ce temps-là. 11 faut, pour bien en apprécier le mérite,
se rendre compte d’abord des retouches maladroites qu’elle a subies :
non seulement une main inhabile a indiqué les prunelles des yeux,
mais la surface a été l’objet d’un grattage dont le sculpteur antique
n’est certainement pas responsable. Il en résulte une certaine froideur,
moins sensible du reste dans une gravure qu’en présence de l’original.
Ce défaut expliqué, il ne reste plus qu’à louer l’élégance suave du
contour, le modelé délicat et ferme des yeux et de la bouche, l’expres-
sion grave et presque résignée, avec une pointe de mélancolie ou de
dédain, qui se dégage de l’ensemble. C’est devant une œuvre de ce
genre que l’on sent combien le langage de la critique, avec son voca-
bulaire borné et ses épithètes dépréciées par l’usage, est impuissant
à préciser toutes les nuances de sentiment qu’un grand artiste laisse
errer sur son ouvrage. Loin d’y reconnaître une Proserpine, je
voudrais voir dans cette tête un portrait idéalisé, pour lequel le
nom de Sappho se présente naturellement à l’esprit. Comme on l’a
fait justement observer1 2, le type de Sappho, dans l’art grec, n’est pas
fondé sur une tradition authentique, car, à l’époque de la poétesse de
Lesbos, il n’y avait pas encore de sculpteur qui pût dignement fixer
ses traits. Ses portraits, qui sont assez nombreux dans les Musées,
représentent, comme ceux de notre Jeanne d’Arc, par exemple, l’effort
individuel de différents artistes pour rendre sensible dans le marbre
ou le bronze l’image qui se dégageait pour eux d’une tradition ou
d’une œuvre littéraire. De là, du moins au vc siècle, une grande

1. Sacken, Die antiken Sculpturen, pl. XII, 1.

2. Archiïologische Zeilung, 1870, p. 83.
 
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