L’ART GOTHIQUE.
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tant, ont changé le cours des idées. Yitruve devient un oracle;
Palladio va triompher et, les meilleurs de chez nous, tels que Philibert
Delorme, ne rêvent plus que des « excellentes antiquitez de Rome ».
Déjà, au portail fleuri et d’une inspiration tant soit peu incertaine de
Saint-Wulfran d’Abbeville, bâti à l’aurore du xvie siècle, s’ajuste la
porte de Jean Damourette, aux classiques moulurations encadrant
des arabesques. Il est écrit que nos artistes seront vaincus.
Donc, l’art gothique disparait, non épuisé, mais étouffé, sous
l’empire de l’art classique. Cependant, il n’est pas vrai qu’il dispa-
raisse tout entier : ses créations et sa gloire lui survivent et les
règles qu’il a formulées sont comme la loi des constructeurs. Né au
cœur même de la France, c’est en France qu’il a connu sa plénitude.
Durant quatre cents ans, il a été notre plus haute expression sociale
et nationale, le confident de nos luttes, le symbole de nos croyances
et de nos espoirs, puis, en sa suprême évolution, la floraison de
notre vie civile. Les laïques l’ont repris des mains des religieux qui
avaient protégé ses débuts et ils l’ont poussé au comble de la noblesse,
de l’élégance et de la force en d’innombrables monuments. Chez
nous, les étrangers l’ont rencontré et admiré. Chez nous, seulement,
ils ont trouvé longtemps des maîtres capables de leur construire
des cathédrales dignes des nôtres. C’étaient d’anciens élèves de
l’Université de Paris, ces évêques de Roeskilde en Danemark,
d’Upsal en Suède, de Burgos, de Girone, de Léon, de Tolède, en
Espagne, et, sans doute aussi, ceux de Kolacsa et de Kaschau, en
Hongrie, qui mandaient auprès d’eux des architectes du Domaine
royal, de la Champagne et de la Bourgogne. L’Angleterre, l’Alle-
magne n’ont dù qu’à nous les types primitifs de leur style ogival.
Nos moines de Cîteaux les ont implantés sur leur sol. En Orient,
l’on eût cherché vainement l’embryon du système gothique avant
l’intervention des Croisés. L’auteur du beau livre qui a servi de point
de départ à. ces études, écrivait à bon droit, en posant sa thèse :
« Le plaidoyer que j’entreprends est un hommage direct rendu au
génie français, une démonstration de la suprématie qu’il a exercée
sur les arts du Moyen Age. » Mais, d’honneur, l’universelle initiation
des peuples au progrès fut, de tout temps, l’œuvre française.
L. DE FOURCAUD.
P.-S. Depuis la publication du grand ouvrage de M. Louis Gonse
et tandis que paraissaient les présentes études, plusieurs livres, sur
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tant, ont changé le cours des idées. Yitruve devient un oracle;
Palladio va triompher et, les meilleurs de chez nous, tels que Philibert
Delorme, ne rêvent plus que des « excellentes antiquitez de Rome ».
Déjà, au portail fleuri et d’une inspiration tant soit peu incertaine de
Saint-Wulfran d’Abbeville, bâti à l’aurore du xvie siècle, s’ajuste la
porte de Jean Damourette, aux classiques moulurations encadrant
des arabesques. Il est écrit que nos artistes seront vaincus.
Donc, l’art gothique disparait, non épuisé, mais étouffé, sous
l’empire de l’art classique. Cependant, il n’est pas vrai qu’il dispa-
raisse tout entier : ses créations et sa gloire lui survivent et les
règles qu’il a formulées sont comme la loi des constructeurs. Né au
cœur même de la France, c’est en France qu’il a connu sa plénitude.
Durant quatre cents ans, il a été notre plus haute expression sociale
et nationale, le confident de nos luttes, le symbole de nos croyances
et de nos espoirs, puis, en sa suprême évolution, la floraison de
notre vie civile. Les laïques l’ont repris des mains des religieux qui
avaient protégé ses débuts et ils l’ont poussé au comble de la noblesse,
de l’élégance et de la force en d’innombrables monuments. Chez
nous, les étrangers l’ont rencontré et admiré. Chez nous, seulement,
ils ont trouvé longtemps des maîtres capables de leur construire
des cathédrales dignes des nôtres. C’étaient d’anciens élèves de
l’Université de Paris, ces évêques de Roeskilde en Danemark,
d’Upsal en Suède, de Burgos, de Girone, de Léon, de Tolède, en
Espagne, et, sans doute aussi, ceux de Kolacsa et de Kaschau, en
Hongrie, qui mandaient auprès d’eux des architectes du Domaine
royal, de la Champagne et de la Bourgogne. L’Angleterre, l’Alle-
magne n’ont dù qu’à nous les types primitifs de leur style ogival.
Nos moines de Cîteaux les ont implantés sur leur sol. En Orient,
l’on eût cherché vainement l’embryon du système gothique avant
l’intervention des Croisés. L’auteur du beau livre qui a servi de point
de départ à. ces études, écrivait à bon droit, en posant sa thèse :
« Le plaidoyer que j’entreprends est un hommage direct rendu au
génie français, une démonstration de la suprématie qu’il a exercée
sur les arts du Moyen Age. » Mais, d’honneur, l’universelle initiation
des peuples au progrès fut, de tout temps, l’œuvre française.
L. DE FOURCAUD.
P.-S. Depuis la publication du grand ouvrage de M. Louis Gonse
et tandis que paraissaient les présentes études, plusieurs livres, sur