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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 7.1892

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Nr. 5
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Gayet, Albert: La sculpture copte, 1: des tendances de l'art de l'Orient ancien à la période chrétienne
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https://doi.org/10.11588/diglit.24660#0475
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LA SCULPTURE COPTE.

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fût. Pour lui, rien n’était qui ne soit égyptien. Il avait compliqué à
plaisir le ciel de sa religion antique, se le figurant fait à l’image de
la rive du Nil, avec un fleuve céleste, sur lequel naviguait la barque
solaire. Dans ce royaume invisible, il imaginait son double cultivant
des plaines inconnues, et cette culture une fois faite, parcourant, lui
aussi, ce Nil céleste dans sa barque. Converti au christianisme, il se
représentait le paradis comme un beau jardin, avec la pièce d’eau de
toute villa égyptienne bien entendue. L'Histoire d’un anachorète nous
le dépeint dans ses moindres détails: «une sakyeth' monte l’eau néces-
saire à l’arrosage, un jardinier dirige les buffles attelés à la sakyeth
et arrange les petits canaux d’où s’échappe l’eau qui court entretenir
la fraîcheur du jardin », et ce jardin est peuplé du double des morts,
cette forme éternelle de l’élu « plus qu’ombre et moins que réalité ».

Pour amener le Copte à renoncer à ce style qu’il sait plier aux
mythes qui lui sont le plus étrangers, il ne lui faut rien moins que
la crainte de passer pour païen aux yeux des patriarches grecs
d’Alexandrie et de paraître toujours adorer ses dieux sous d’autres
formes. Il lui faut la haine farouche avec laquelle, à la publication de
l’édit de Théodore, ceux qui passaient pour inspirés prêchèrent le
renversement des idoles et la destruction des anciens monuments.
La crainte a toujours été un puissant levier pour la conscience
égyptienne et la haine aussi. Ce fut alors une rage indescriptible de
destruction et de ruine; tout ce qui rappelait le passé fut anéanti
sans distinction ni pitié. Les plus célèbres ascètes, fiers d’étaler le
zèle de leur croyance, se prenaient d’une sainte colère pour frapper
à grands coups les dieux qu’ils continuaient — à leur insu — à
adorer; et s’il faut en croire les pieuses légendes, les saints martyrs
les plus fameux, saint Georges en tète, n’hésitaient point à s’arra-
cher aux douceurs de leurs célestes béatitudes, pour venir accabler
les malheureuses statues qui n’en pouvaient mais, et qui, naturelle-
ment, s’évanouissaient en fumée ou se dispersaient en morceaux.

L’art de l’Égypte antique était proscrit; les vieilles formes hiéra-
tiques qui une heure avaient revécu sous d’autres noms avaient
disparu pour toujours. Pour la première fois l’Égypte abandonnait
un système, elle qui jamais n’avait rien abandonné : mais, comment
traduire la pensée religieuse de jour en jour grandissante et qui
vainement partout cherchait à se faire jour? L’Égyptien, fût-il

1. Machine composée d’une roue de bois à laquelle sont attachés des pots
de terre.
 
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