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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
buste en basalte noir reproduisant les traits d’Auguste, mais d’un
travail bien inférieur, qui, entré en même temps au Musée de Berlin,
passe généralement pour une œuvre moderne. Après avoir longtemps
considéré le premier comme un portrait de César, malgré l’impossi-
bilité de retrouver le même type sur les monnaies, les archéologues
se sont à peu près mis d’accord pour nier l’authenticité des deux
bustes. Je veux bien sacrifier celui d’Auguste, qui a pu être exécuté
en Italie pour faire pendant à l’autre, mais, en ce qui touche ce
dernier, la singularité même de la silhouette, sans parler de l’excel-
lence du modelé, m’empêche absolument d'y voir l’œuvre d’un faus-
saire. Seulement, le personnage représenté n’est pas César : c’est un
Gréco-Égyptien inconnu, comme celui dont le buste de Vienne nous a
conservé les traits. Le plus beau portrait de César que l’on possède
est, disons-le en passant, celui que M. Ravaisson, suivi par
MM. Bernoulli et Rayet ’, a eu le mérite de reconnaître dans la
magnifique statue du Louvre, signée de Cléomène, et connue depuis
le xviie siècle sous le nom de Germanicus. C’est un portrait idéalisé
qui représente César en orateur, dans l’attitude et avec les attributs
du dieu Hermès, sans doute parce que la flatterie ingénieuse de
quelque ville grecque, après Pharsale, voulut rappeler que César, âgé
de vingt-quatre ans à peine, avait pour la première fois illustré son
nom en défendant la bourse des Hellènes contre les rapines de Caïus
Antonius. Mais hâtons-nous de revenir au Musée de Vienne, où nous
attend encore une longue série de portraits romains.
Ces portraits sont presque tous intéressants et il en est de très
remarquables sur lesquels on voudrait pouvoir insister. Laissons de
côté le Cicéron, qui a tous les caractères d’un travail moderne, et le
buste du prétendu Claudius Marcellus, le héros de la seconde guerre
punique, dont la désignation, encore admise parle dernier catalogue,
ne repose que sur une conjecture trop ingénieuse de Sacken, pour
aller droit à une magnifique tète d’Auguste, qui rappelle trait pour
trait la tête de la statue découverte en 1863 dans les ruines de la
villa de Livie à Prima Porta. Avec un portrait d’Hadrien et les
deux célèbres bustes de Vitellius, c’est ici le meilleur spécimen de
l’art réaliste qui survécut, dans le monde gréco-romain, à la décadence
de la statuaire et du relief.
Les portraits d’Auguste ne sont pas rares, mais il en est tout
1. Rayet a eu tort, dans ses Monuments de l'art antique, d’attribuer cette
découverte à M. Bernoulli, qui reconnaît lui-même n’avoir fait que développer une
opinion de M. Ravaisson.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
buste en basalte noir reproduisant les traits d’Auguste, mais d’un
travail bien inférieur, qui, entré en même temps au Musée de Berlin,
passe généralement pour une œuvre moderne. Après avoir longtemps
considéré le premier comme un portrait de César, malgré l’impossi-
bilité de retrouver le même type sur les monnaies, les archéologues
se sont à peu près mis d’accord pour nier l’authenticité des deux
bustes. Je veux bien sacrifier celui d’Auguste, qui a pu être exécuté
en Italie pour faire pendant à l’autre, mais, en ce qui touche ce
dernier, la singularité même de la silhouette, sans parler de l’excel-
lence du modelé, m’empêche absolument d'y voir l’œuvre d’un faus-
saire. Seulement, le personnage représenté n’est pas César : c’est un
Gréco-Égyptien inconnu, comme celui dont le buste de Vienne nous a
conservé les traits. Le plus beau portrait de César que l’on possède
est, disons-le en passant, celui que M. Ravaisson, suivi par
MM. Bernoulli et Rayet ’, a eu le mérite de reconnaître dans la
magnifique statue du Louvre, signée de Cléomène, et connue depuis
le xviie siècle sous le nom de Germanicus. C’est un portrait idéalisé
qui représente César en orateur, dans l’attitude et avec les attributs
du dieu Hermès, sans doute parce que la flatterie ingénieuse de
quelque ville grecque, après Pharsale, voulut rappeler que César, âgé
de vingt-quatre ans à peine, avait pour la première fois illustré son
nom en défendant la bourse des Hellènes contre les rapines de Caïus
Antonius. Mais hâtons-nous de revenir au Musée de Vienne, où nous
attend encore une longue série de portraits romains.
Ces portraits sont presque tous intéressants et il en est de très
remarquables sur lesquels on voudrait pouvoir insister. Laissons de
côté le Cicéron, qui a tous les caractères d’un travail moderne, et le
buste du prétendu Claudius Marcellus, le héros de la seconde guerre
punique, dont la désignation, encore admise parle dernier catalogue,
ne repose que sur une conjecture trop ingénieuse de Sacken, pour
aller droit à une magnifique tète d’Auguste, qui rappelle trait pour
trait la tête de la statue découverte en 1863 dans les ruines de la
villa de Livie à Prima Porta. Avec un portrait d’Hadrien et les
deux célèbres bustes de Vitellius, c’est ici le meilleur spécimen de
l’art réaliste qui survécut, dans le monde gréco-romain, à la décadence
de la statuaire et du relief.
Les portraits d’Auguste ne sont pas rares, mais il en est tout
1. Rayet a eu tort, dans ses Monuments de l'art antique, d’attribuer cette
découverte à M. Bernoulli, qui reconnaît lui-même n’avoir fait que développer une
opinion de M. Ravaisson.