GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
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avec hésitation celui de marbre. Quoi qu’il en soit, ce sont là deux
admirables morceaux et qui semblent bien remonter à un original
fait d’après nature. Et cette impression est si forte, que s’il fallait
absolument prendre parti, malgré Yisconti, malgré Mongez et Ber-
noulli, malgré les objections dont je sens le poids, je déclarerais que
les deux bustes de Vienne sont antiques l’un et l’autre, mais que je
ne sais pas s'ils représentent Vitellius.
IX.
Il y a encore deux portraits anonymes que je me reprocherais de
ne pas signaler avec la déférence qu’ils méritent. Le premier est un
buste de barbare, où l’on a voulu reconnaître un des chefs quades ou
marcomans, vaincus, après de longues luttes, par Marc-Aurèle '.
Cette tête est une des plus individuelles, des plus caractéristiques
que l’art gréco-romain nous ait léguées. Elle peut soutenir la compa-
raison avec les magnifiques bustes de Daces découverts à Rome sur le
forum de Trajan, ou avec le prétendu Arminius du Musée britannique.
La représentation plastique des Barbares est un sujet fort intéressant,
qui donnerait lieu à une monographie bien curieuse s’il n’était encore
si difficile de réunir un nombre suffisant de bonnes photographies
ou de moulages d’après des oeuvres de ce genre. Sujet particulière-
ment digne de notre attention, parce que ce sont les Gaulois, les Galates
d’Asie Mineure, qui fournirent les premiers aux artistes grecs la
matière d’études réalistes d’après des types étrangers à leur idéal. Le
Carien Mausole était encore un Grec, sinon par le sang, du moins par
l’éducation, et sa statue, qui couronnait le mausolée d’Halicarnasse,
ne doit point être considérée comme la plus ancienne image de bar-
bare venue jusqu’à nous. C’est le Gaulois mourant du Capitole, vul-
gairement appelé le Gladiateur, qui ouvre, vers 200 ans av. J.-C.,
la série de ces figures, où l’art grec a montré, avec une merveilleuse
souplesse, que rien de ce qui est humain ne lui était étranger. Il est
instructif de comparer, pour mesurer le chemin parcouru dans la voie
du réalisme, l’Amazone dont nous avons parlé au début de cet article
et le buste qui nous occupe maintenant. L’une et l’autre de ces
sculptures reproduisent des barbares du Nord, mais dans la pre-
mière, la barbarie est aussi effacée que dans Y Attila de Raphaël,
1. Sacken, Die antiken Sculpturen, pl. XXXII, 2.
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avec hésitation celui de marbre. Quoi qu’il en soit, ce sont là deux
admirables morceaux et qui semblent bien remonter à un original
fait d’après nature. Et cette impression est si forte, que s’il fallait
absolument prendre parti, malgré Yisconti, malgré Mongez et Ber-
noulli, malgré les objections dont je sens le poids, je déclarerais que
les deux bustes de Vienne sont antiques l’un et l’autre, mais que je
ne sais pas s'ils représentent Vitellius.
IX.
Il y a encore deux portraits anonymes que je me reprocherais de
ne pas signaler avec la déférence qu’ils méritent. Le premier est un
buste de barbare, où l’on a voulu reconnaître un des chefs quades ou
marcomans, vaincus, après de longues luttes, par Marc-Aurèle '.
Cette tête est une des plus individuelles, des plus caractéristiques
que l’art gréco-romain nous ait léguées. Elle peut soutenir la compa-
raison avec les magnifiques bustes de Daces découverts à Rome sur le
forum de Trajan, ou avec le prétendu Arminius du Musée britannique.
La représentation plastique des Barbares est un sujet fort intéressant,
qui donnerait lieu à une monographie bien curieuse s’il n’était encore
si difficile de réunir un nombre suffisant de bonnes photographies
ou de moulages d’après des oeuvres de ce genre. Sujet particulière-
ment digne de notre attention, parce que ce sont les Gaulois, les Galates
d’Asie Mineure, qui fournirent les premiers aux artistes grecs la
matière d’études réalistes d’après des types étrangers à leur idéal. Le
Carien Mausole était encore un Grec, sinon par le sang, du moins par
l’éducation, et sa statue, qui couronnait le mausolée d’Halicarnasse,
ne doit point être considérée comme la plus ancienne image de bar-
bare venue jusqu’à nous. C’est le Gaulois mourant du Capitole, vul-
gairement appelé le Gladiateur, qui ouvre, vers 200 ans av. J.-C.,
la série de ces figures, où l’art grec a montré, avec une merveilleuse
souplesse, que rien de ce qui est humain ne lui était étranger. Il est
instructif de comparer, pour mesurer le chemin parcouru dans la voie
du réalisme, l’Amazone dont nous avons parlé au début de cet article
et le buste qui nous occupe maintenant. L’une et l’autre de ces
sculptures reproduisent des barbares du Nord, mais dans la pre-
mière, la barbarie est aussi effacée que dans Y Attila de Raphaël,
1. Sacken, Die antiken Sculpturen, pl. XXXII, 2.