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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 8.1892

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Nr. 1
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Pottier, Edmond: Les Salons de 1892, 2, La sculpture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24661#0024
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18

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

d’un grain admirable; la beauté de la matière a merveilleusement
servi le ciseau de M. Boucher pour rendre le calme et la chasteté de ce
virginal repos. Il est impossible de passer près de cette jeune appari-
tion sans être attiré et charmé par elle; pourtant elle dort d’un vrai
sommeil, sans chercher à paraître belle, et c’est pourquoi nous
sommes aussitôt intéressés et conquis. Elle a ce que n’ont pas les
centaines de compagnes qui se pressent autour d’elle : l’art de s’igno-
rer, le don de l’expression par la seule éloquence de ses formes, et
non par la mimique étudiée des gestes ou de la physionomie. Sans
rien rappeler des classiques chefs-d’œuvre, elle est antique, dans le
vrai sens, du mot, parce qu’elle est belle et parce qu’elle est simple.

Le portrait. — Je ne me joindrai pas au concert de railleries qui
accueille de nos jours l’essor de la statuaire portraitiste. Pour carac-
tériser l’étrange passion qui nous pousse à élever des statues à nos
grands hommes sur toutes les places publiques de France, les jour-
nalistes ont inventé l’élégant barbarisme de « statuomanie ». Ces
hommes spirituels auraient ri davantage des Grecs qui ne laissaient
point passer un concours d’athlètes sans accorder aux vainqueurs le
privilège de faire exécuter leur statue en pied et de la consacrer près
d’un temple. Quand Pausanias visita les sanctuaires d’Olympie au
11e siècle de notre ère, il put compter plusieurs milliers d’offrandes,
serrées et agglomérées dans l’étroite enceinte de l’Altis. Beaucoup
des héros dont on voyait l’image n’avaient pas eu d’autre mérite
que d’être très forts en gymnastique et de posséder d’irrésistibles
biceps. On exige aujourd’hui d’autres qualités de ceux qui sont sacrés
grands hommes : il suffit parfois d’avoir inventé un nouveau pro-
cédé pour faire les gants ou d’avoir vendu beaucoup de confections,
mais, en règle générale, il s’agit toujours de récompenser un mérite
plus intellectuel que physique. Il en résulte que les occasions d’élever
des statues sont presque aussi fréquentes que dans l’antiquité, mais
que les difficultés artistiques sont beaucoup plus redoutables. Nos
sculpteurs se heurtent à deux obstacles : le costume moderne et le
physique souvent disgracieux du modèle. Si Praxitèle avait eu à faire
le portrait de Littré en redingote, il est probable qu’il eût été d’abord
assez décontenancé. Il est curieux de voir comment nos contempo-
rains essaient de se tirer d’affaire et combien ce problème nouveau
aiguise leur ingéniosité et leur capacité d’invention. Loin de déplorer
 
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