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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 8.1892

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Nr. 1
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Pottier, Edmond: Les Salons de 1892, 2, La sculpture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24661#0049
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LES SALONS DE 1892.

M

soirs mélancoliques, de sommeils paisibles et confortables et « de
forêts qui ne sont plus »? Comment arrive-t-il à concentrer tant de
poésie et de vie dans un bibelot de table ou d’étagère? Il est vrai
qu’il se donne la peine de nous expliquer lui-même ses intentions,
non seulement par des descriptions insérées au livret, mais par les
versiculets gravés sur la panse des vases. Peut-être même explique-t-il
un peu trop; peut-être ne laisse-t-il pas assez à nos yeux le plaisir
de découvrir la poésie enfermée dans ces enveloppes cristallines. Je
verrais avec chagrin un si grand artiste s’ingénier à verser beau-
coup de philosophie et de littérature dans un gobelet de verre, au
risque de rappeler le personnage de Molière qui voulait mettre en
madrigaux toute l’histoire romaine. Heureusement le péril n’est pas
grand encore et nous pouvons saluer ici, en toute confiance, un
créateur, un des hommes qui honorent le plus notre pays dans le
domaine des arts industriels, une intelligence ouverte à tous les
enseignements du passé, mais soucieuse de trouver à son tour une
technique, des formes et des sujets qui soient bien de notre temps.

L’art de l’ameublement a trouvé aussi dans M. Gallé un réno-
vateur. Je ne louerai pas outre mesure les formes qu’il choisit et qui
sont peu nouvelles. Mais ses marqueteries de bois colorés sont un
assemblage de tons à la fois gais et très doux. Il est l’élève des
Japonais, car il est sensible comme eux à la beauté secrète des
dissymétries, à la poésie des infiniment petits, à la grâce touchante
du roseau ou du brin d’herbe; cependant son art, ennemi du pastiche,
est resté foncièrement français. Il sait tirer parti des plus modestes
plantes de notre flore et, dédaignant les roses, les lis, les violettes,
les éléments classiques des bouquets de fleurs auxquels ont recours
tous les ornemanistes, il s’attache à faire une place aux humbles et
aux déshérités. Il admire et reproduit de préférence le chardon; sa
table de salle à manger est un poème en l’honneur des Herbes potagères;
le Laurier, le Cerfeuil et l'Oseille l’enchantent.

Soji renom de décorateur, qui grandit sans cesse, lui a valu cette
année la collaboration d’un amateur, M. le comte Robert de Mon-
tesquiou-Fezensac, dont la Console aux hortensias est reproduite
ci-contre en dessin.

M. de Montesquiou a composé lui-même le modèle exécuté par
M. Gâllé, comme un musicien compose une sonate, avec des retours
au ton fondamental et avec des rappels du thème primitif qui
enferment l’oeuvre entière dans une synthétique unité. Sur un fond
pâle et clair sont semées des fleurs d’hortensias, blancs, bleus et

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VIII. — 30 PÉRIODE.
 
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