DUCGIO.
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« En outre ledit Duccio, pour une plus grande sûreté, a juré libre-
ment sur les saints évangiles de Dieu, le livre ayant été touché cor-
porellement, d’observer et remplir le tout et chacune des choses dites,
en bonne foi, sans fraude, en tout et partout, comme il est contenu
ci-dessus. »
Nous avons peine à nous faire une juste idée de la condition des
artistes du moyen âge. Voilà un peintre assurément renommé dans
sa ville natale, qui est lié par les conditions les plus étroites, sur-
veillé comme un simple manœuvre, obligé sans doute de se débattre
à chaque instant pour obtenir le salaire qui lui est dû. Un nouvel
acte notarié, qui suit de près la première convention, car il date du
20 décembre 1308, nous fait toucher toutes les petites difficultés,
peut-être les misères de cette vie de peintre. Duccio y confesse avoir
reçu de maître Jacopo, sans doute pour les premiers frais du retable
(construction et préparation des panneaux, sculpture et dorure) une
avance de cinquante florins «d’or bon et pur et de droit poids », qu’il
s’engage à restituer « d’ici aux calendes de janvier prochain », pro-
mettant en outre de dédommager l’Œuvre, « sur une simple parole
de son représentant, sans autre preuve, » pour tous ennuis,
dépenses et intérêts qu’elle aurait pu avoir à recouvrer lesdits
florins.
Le retable, auquel Duccio dut travailler sans interruption, fut
terminé au mois de juin de l’année 1310 selon certains chroni-
queurs, 1311 selon d’autres, et ce furent à Sienne de grandes réjouis-
sances lorsqu’on le porta au maître-autel du Dôme en noble pompe et
solennelle procession. Une chronique italienne anonyme, conservée
parmi les manuscrits de la Bibliothèque communale de Sienne, con-
tient de cette fête un récit bien vivant, que le P. délia Valle a su
découvrir et publier1. En voici la traduction :
Comment le Tableau de l’Autel majeur du Dôme fut achevé et porté au
Dôme. Anno Domini, le ixe jour de juin de Vannée dite ci-dessus, MCCCX.
« Et encore dans ledit temps et par la susdite Seigneurie fut
pourvu à faire le tableau de l’autel majeur et en fut levé celui qui est
aujourd’hui à l’autel de Saint-Boniface, lequel se nomme la Madone
des gros Yeux et Madone des Grâces. Or, cette Madone fut celle qui
exauça le peuple de Sienne, quand furent rompus les florentins à
Monte Aperto, et en cette manière fut changé ledit tableau, parce
1. Délia Valle, Lettere senesi, Notizie di Duccio, t. II, p. 63 et suiv. ; Milanesi,
Documenti, I, p. 109.
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« En outre ledit Duccio, pour une plus grande sûreté, a juré libre-
ment sur les saints évangiles de Dieu, le livre ayant été touché cor-
porellement, d’observer et remplir le tout et chacune des choses dites,
en bonne foi, sans fraude, en tout et partout, comme il est contenu
ci-dessus. »
Nous avons peine à nous faire une juste idée de la condition des
artistes du moyen âge. Voilà un peintre assurément renommé dans
sa ville natale, qui est lié par les conditions les plus étroites, sur-
veillé comme un simple manœuvre, obligé sans doute de se débattre
à chaque instant pour obtenir le salaire qui lui est dû. Un nouvel
acte notarié, qui suit de près la première convention, car il date du
20 décembre 1308, nous fait toucher toutes les petites difficultés,
peut-être les misères de cette vie de peintre. Duccio y confesse avoir
reçu de maître Jacopo, sans doute pour les premiers frais du retable
(construction et préparation des panneaux, sculpture et dorure) une
avance de cinquante florins «d’or bon et pur et de droit poids », qu’il
s’engage à restituer « d’ici aux calendes de janvier prochain », pro-
mettant en outre de dédommager l’Œuvre, « sur une simple parole
de son représentant, sans autre preuve, » pour tous ennuis,
dépenses et intérêts qu’elle aurait pu avoir à recouvrer lesdits
florins.
Le retable, auquel Duccio dut travailler sans interruption, fut
terminé au mois de juin de l’année 1310 selon certains chroni-
queurs, 1311 selon d’autres, et ce furent à Sienne de grandes réjouis-
sances lorsqu’on le porta au maître-autel du Dôme en noble pompe et
solennelle procession. Une chronique italienne anonyme, conservée
parmi les manuscrits de la Bibliothèque communale de Sienne, con-
tient de cette fête un récit bien vivant, que le P. délia Valle a su
découvrir et publier1. En voici la traduction :
Comment le Tableau de l’Autel majeur du Dôme fut achevé et porté au
Dôme. Anno Domini, le ixe jour de juin de Vannée dite ci-dessus, MCCCX.
« Et encore dans ledit temps et par la susdite Seigneurie fut
pourvu à faire le tableau de l’autel majeur et en fut levé celui qui est
aujourd’hui à l’autel de Saint-Boniface, lequel se nomme la Madone
des gros Yeux et Madone des Grâces. Or, cette Madone fut celle qui
exauça le peuple de Sienne, quand furent rompus les florentins à
Monte Aperto, et en cette manière fut changé ledit tableau, parce
1. Délia Valle, Lettere senesi, Notizie di Duccio, t. II, p. 63 et suiv. ; Milanesi,
Documenti, I, p. 109.