350
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
eu l’honneur de passer entre les mains de Rembrandt. J’y ai vu aussi une série
de dessins découverts à Florence eu 1840, acquis plus tard par M. Ruskin, cédés
par lui au British Muséum, et que M. Colvin considère comme des originaux
de Maso Finiguerra. Ces dessins ressemblent, en tout cas, à ceux que l’on
montre, sous le nom de Maso, aux Uffizzi : ils témoignent également de l’influence
d’Antoine Pollajuolo, que l’on sait avoir été l’ami de Maso. Et voici que
M. Armstrong, se fondant sur ces dessins, croit pouvoir attribuer à Maso
Finiguerra un petit tableau anonyme de la National Gallery, la Lutte de l’Amour
H de la Charité, et un autre tableau similaire au Musée de Turin, représentant le
même sujet.
L’École française est représentée dans cette exposition par une page du
Livre d’Heures d’Étienne Chevalier, de Fouquet, par les curieux dessins de
Jacques Androuet du Cerceau figurant les Plus excellais Batimens de la France,
par onze Watteau, et une admirable étude d’Ingres pour son tableau de VAge
d'Or.
Je n’ai d’ailleurs nullement l’intention de suivre M. Armstrong dans l’étude
qu’il fait de cette belle collection : mais il faut que je vous signale encore
un portrait du Duc de Wellington par Goya, dont la reproduction ci-jointe
vous permettra d’apprécier l’énergie de style et la profondeur d’expression.
Parmi les acquisitions récentes de la National Gallery, aucune n’a autant
d’importance qu’un portrait de Hogarth, où ce grand peintre a représenté au
complet le personnel de ses domestiques. C’est, avec la fameuse esquisse de
la Sœur de Hogarth, à la National Gallery, l’œuvre certainement la plus
remarquable du maître anglais au point de vue artistique. Tout y est subordonné
à la fidèle interprétation de la vie. L’esprit de Hogarth, sa morale, sa poésie,
ont un peu perdu de leur charme, en vieillissant : seules ses qualités de peintre
nous louchent tous les jours davantage. 11 n’y a encore rien de tel pour un
artiste que de bien faire son métier.
IV.
Un critique viennois, JI. Albert 11g, vient de publier, en collaboration avec six
de ses confrères, un gros volume somptueusement illustré dont le titre, traduit en
français, serait quelque chose comme ceci : Tableaux caractéristiques de l’histoire
de l’art en Autriche-Hongrie. Ces messieurs se sont partagé la tâche. M. Hœrnes
a étudié les origines de la civilisation en Autriche; M. de Schneider, dans un
chapitre qui est peut-être le plus intéressant de l’ouvrage entier, a décrit l’état
primitif et l’état présent de trois villes romaines, Aquilée, Pola et Salone, véné-
rables cités toutes pleines encore de souvenirs magnifiques; M. Strzygowski s’est
chargé de l’époque byzantine et romane. M. Neuwirth de l’époque gothique,
M. Zimmermann de la Renaissance, M. Ilg du xvin® siècle, M. Nossig du xix'. Et
chacun paraît s’être appliqué à ne rien omettre de ce qui pouvait entrer dans
le sujet qu’il s’était choisi : en quoi ces messieurs ont eu fort à faire, car il
n’y a pas de pays plus hétérogène que l’Autriche, formé de plus de races ni de
races plus diverses. Mais on arrive à tout, avec de la bonne volonté ; et c’est ainsi
que M. Ilg et ses collaborateurs sont vraiment parvenus à nous donner de l’art
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
eu l’honneur de passer entre les mains de Rembrandt. J’y ai vu aussi une série
de dessins découverts à Florence eu 1840, acquis plus tard par M. Ruskin, cédés
par lui au British Muséum, et que M. Colvin considère comme des originaux
de Maso Finiguerra. Ces dessins ressemblent, en tout cas, à ceux que l’on
montre, sous le nom de Maso, aux Uffizzi : ils témoignent également de l’influence
d’Antoine Pollajuolo, que l’on sait avoir été l’ami de Maso. Et voici que
M. Armstrong, se fondant sur ces dessins, croit pouvoir attribuer à Maso
Finiguerra un petit tableau anonyme de la National Gallery, la Lutte de l’Amour
H de la Charité, et un autre tableau similaire au Musée de Turin, représentant le
même sujet.
L’École française est représentée dans cette exposition par une page du
Livre d’Heures d’Étienne Chevalier, de Fouquet, par les curieux dessins de
Jacques Androuet du Cerceau figurant les Plus excellais Batimens de la France,
par onze Watteau, et une admirable étude d’Ingres pour son tableau de VAge
d'Or.
Je n’ai d’ailleurs nullement l’intention de suivre M. Armstrong dans l’étude
qu’il fait de cette belle collection : mais il faut que je vous signale encore
un portrait du Duc de Wellington par Goya, dont la reproduction ci-jointe
vous permettra d’apprécier l’énergie de style et la profondeur d’expression.
Parmi les acquisitions récentes de la National Gallery, aucune n’a autant
d’importance qu’un portrait de Hogarth, où ce grand peintre a représenté au
complet le personnel de ses domestiques. C’est, avec la fameuse esquisse de
la Sœur de Hogarth, à la National Gallery, l’œuvre certainement la plus
remarquable du maître anglais au point de vue artistique. Tout y est subordonné
à la fidèle interprétation de la vie. L’esprit de Hogarth, sa morale, sa poésie,
ont un peu perdu de leur charme, en vieillissant : seules ses qualités de peintre
nous louchent tous les jours davantage. 11 n’y a encore rien de tel pour un
artiste que de bien faire son métier.
IV.
Un critique viennois, JI. Albert 11g, vient de publier, en collaboration avec six
de ses confrères, un gros volume somptueusement illustré dont le titre, traduit en
français, serait quelque chose comme ceci : Tableaux caractéristiques de l’histoire
de l’art en Autriche-Hongrie. Ces messieurs se sont partagé la tâche. M. Hœrnes
a étudié les origines de la civilisation en Autriche; M. de Schneider, dans un
chapitre qui est peut-être le plus intéressant de l’ouvrage entier, a décrit l’état
primitif et l’état présent de trois villes romaines, Aquilée, Pola et Salone, véné-
rables cités toutes pleines encore de souvenirs magnifiques; M. Strzygowski s’est
chargé de l’époque byzantine et romane. M. Neuwirth de l’époque gothique,
M. Zimmermann de la Renaissance, M. Ilg du xvin® siècle, M. Nossig du xix'. Et
chacun paraît s’être appliqué à ne rien omettre de ce qui pouvait entrer dans
le sujet qu’il s’était choisi : en quoi ces messieurs ont eu fort à faire, car il
n’y a pas de pays plus hétérogène que l’Autriche, formé de plus de races ni de
races plus diverses. Mais on arrive à tout, avec de la bonne volonté ; et c’est ainsi
que M. Ilg et ses collaborateurs sont vraiment parvenus à nous donner de l’art