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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

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Meissner, Franz Hermann: Arnold Boecklin, [2]: artistes contemporains
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

poétique et grandiose. Et il y a enfin cette vie dont nous avons
raconté les faits principaux, une vie errante, propre à développer
chez l’artiste la notion des situations les plus tragiques, comme aussi
à fortifier son humour et son ironie; il y a cette fréquentation du
monde antique qui a achevé d’arracher Boecklin à la réalité présente.

Le tempérament de l’homme privé, chez Boecklin, n’est pas moins
étrange ni moins fait de contrastes que le tempérament artistique.
Ses amis l’ont vu passer sans cesse du désespoir et de la mélancolie
à une jovialité de bon géant, d’une ardente passion au calme le plus
complet. Ils l’ont vu tantôt méfiant, sceptique et renfermé, tantôt
plein d’expansion et de gaieté, tantôt encore abandonné et bon enfant
comme un bourgeois suisse.

Mais quelques anecdotes vaudront mieux que tous les raisonne-
ments pour vous faire connaître ce caractère singulier.

En voici une qu’a rapportée le comte Schack dans son livre sur la
formation de sa galerie. Un soir, entrant à l’improviste dans l’atelier
de Bœcklin, le comte Schack vit le peintre se lever en sursaut de
son tabouret, avec tous les signes de l’effroi : sur le chevalet, il
aperçut l’ébauche encore presque informe d’une forêt. Et comme il
demandait à Bœcklin le motif de son effroi, Bœcklin lui répondit
que toute la journée depuis le matin il était resté là immobile devant
la forêt ébauchée, dont l’idée lui avait été suggérée par un passag e du
Tasse ou de l’Arioste, et qu’il n’avait pas cessé de rêver aux prodiges
qui s’y étaient accomplis. Un autre peintre aurait copié une forêt, il
aurait fait venir des modèles, il aurait cherché des mouvements et
des poses capables de bien traduire le sujet qu’il voulait traiter,
Bœcklin se contentait de rêver, sûr de trouver dans ses rêves assez
de matière pour sa peinture.

L’anecdote suivante a été racontée par M. Pecht. A Rome, les
amis de Bœcklin s’étaient employés à lui faire obtenir la commande
d’un tableau pour une dame de la haute société romaine, et le
peintre, ignorant comme il était des usages du monde, avait ima-
giné de mettre dans ce tableau destiné à une dame (et dont M. Pecht
néglige de nous dire le sujet) une .sensualité si débordante que la
dame s’était jugée offensée et n’avait consenti qu’à grand’peine à
acheter à Bœcklin un autre tableau en remplacement de celui-là.

Le célèbre marchand de tableaux berlinois Gurlitt, mort récem-
ment, et qui a eu l’honneur d’avoir le premier lutté pour introduire
à Berlin le goût de l’art de Bœcklin, m’a raconté il y a quelques
années une autre anecdote, qui jette un jour singulier sur l’humour
 
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