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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

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Nr. 5
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Hermant, Jacques-René: L' art a l'exposition de Chicago, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0439
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EXPOSITION DE CHICAGO.

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dans laquelle il y aurait une quantité de grandes, très grandes
baraques, devant lesquelles on battrait beaucoup delà grosse caisse.
Une fois les badauds entrés on leur ferait jouer la pièce eux-mêmes et
il n’y aurait plus qu’à empocher les dollars et à regarder.

Seulement, comme Oncle Sam est un fin commerçant, il a compris
que s’il voulait attirer la foule il lui fallait élégamment parer
ses baraques, et il est allé chercher tout ce qu’il avait de mieux sous
la main pour lui composer sa réclame; on ne peut nier qu’il ait
réussi. Il a fait appel à tous les artistes, et les artistes ont répondu à
son désir. Seulement, au fond, ces derniers n’ont pas pris la chose très
au sérieux. Ils ont fait comme des peintres d’histoire auxquels on
demanderait de composer une enseigne : ils se sont amusés.

On leur offrait la somme respectable de dix mille dollars à chacun
pour un projet auquel certains d’entre eux n’ont pas consacré trois
semaines. Ils ont trouvé l’aubaine bonne, d’autant plus que cela leur
donnait l'occasion de se rappeler qu’autrefois, pendant leurs éludes à
Paris, ils avaient souvent vu leurs camarades français pâlir des
nuits entières sur ces brillantes inutilités de l’architecture spécula-
tive qu’eux-mêmes n’avaient guère le temps d’aborder.

Jouer au Grand Prix de Rome chez soi, entasser les entablements
sur les colonnes et sur les arcades, multiplier les portiques, les
balustrades, les statues et les groupes, mettre sur pied un de ces
vastes ensembles comme en concevait la Rome antique, construire
d’un coup de baguette une douzaine de projets d’écoles réunis dans
une immense composition à la Piranèse, puis se retourner vers
les pauvres camarades français qui, en rentrant de Rome, végètent
dans une modeste place d’inspecteur des bâtiments civils, en leur
disant : « Vous en étudiez! Nous, nous en bâtissons! » cela ne
manquait pas d’un certain sel et l’on comprend que la majeure
partie des architectes appelés aient cédé à la tentation.

Que leur demandait-on? Un décor simplement destiné à masquer
la sécheresse forcée de ces vastes halls construits pour abriter toutes
les productions de l’industrie humaine, depuis les œuvres les plus
fines de l’art décoratif jusqu’aux matières brutes sortant des forêts
et des mines. Il était bien entendu que l’œuvre était éphémère. On
n’avait aucune intention de lui conserver une durée quelconque et,
pour que l’on en doutât moins, tout devait se faire en carton pâte.

C’était donc un simple décor dans lequel les fantaisies les plus
étonnantes pouvaient trouver place, le seul but poursuivi étant de
tromper l’œil, de lui présenter un rêve architectural, qui frappât
 
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