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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

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Nr. 6
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Murga, Gonzalo de: Lettre d'Allemagne: le "Cycle de Berlioz" à Carlsruhe
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https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0523
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LE CYCLE DE BERLIOZ A CA RLSRUIIE.

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sujet reste dans une note à demi légère; mais si nous n'y trouvons pas ces grands
mouvements de l’àme, cette profondeur d’émotion auxquels le maître nous a
habitués, ce n’est pas à dire qu'il y ait, ici, rien de superficiel dans les sentiments :
la tendresse est infiniment pénétrante, l’ardeur enthousiate de Cellini pleine de
noblesse et d’élan sincère, et quant à la gaieté, à la joie rayonnante qui remplit
l’œuvre et lui imprime son caractère le plus accusé, elle atteint, par son intensité,
à un degré de puissance et de grandeur qui élève la petite conception moyenne
des librettistes à une hauteur d’art incomparable. Après le trio charmant et le
final endiablé du premier acte (dont Wagner s’est souvenu, au second acte des
Maîtres Chanteurs, mais en lui donnant des proportions beaucoup plus vastes), le
mouvement et la vie vont grandissant, dans l'acte qui suit, et le tableau du
Carnaval romain qui le termine — où la foule circule, danse, rit et s’amuse
devant les bateleurs qui l’appellent, puis se bouscule et s'écrase dans la confusion
qu’amène l’obscurité — est bien l'une des scènes les plus éblouissantes et l’un des
[dus.étonnants morceaux d'architecture musicale qui soient au théâtre.

Telle est l’œuvre admirable par laquelle ont commencé les représentations de
Carlsruhe. Elle a été rendue par Félix Molli, par son excellent orchestre, par ses
chœurs si consciencieux, si soumis à l'intelligence du chef, par des chanteurs qui
ne sont pas des étoiles, mais des artistes, avec un éclat absolument merveilleux.
Nous n’imaginons pas ce qu’on obtient des chœurs, en Allemagne, au point de vue
de l’action, la part qu'ils prennent au drame, la justesse de leur mimique, le
naturel inouï de leurs évolutions dans les situations les plus compliquées ou les
plus véhémentes; aussi, la scène si turbulente du Carnaval romain ne pourrait-
elle produire, chez nous, l’impression de vie et de -vérité que donne, là-bas, le
grouillement si bien discipliné des masses chorales .. Malgré tout, même dans nos
conditions ordinaires d’exécution, le succès de Benveuuto à Paris serait certain et,
si nos directeurs avaient daigné se rendre à Carlsruhe, je crois qu'ils se dispute-
raient déjà l’honneur... et le profit de le mettre à la scène.

Il convenait de s'arrêter tout particulièrement sur cet ouvrage, puisqu’il est
complètement ignoré parmi nous et que nous sommes à cent lieues d’en soupçonner
la valeur. Il n’y aura pas à insister de la même façon sur les autres, que nous
connaissons mal, il est vrai, mais dont nous avons, du moins, quelque idée.

L’exquise partition de Béatrice et Bênédict, à laquelle était consacrée la
seconde soirée, est la'dernière œuvre composée par Berlioz. Petite par scs propor-
tions, légère comme la comédie de Shakespeare (Beaucoup de bruit pour rien)
dont elle est tirée, elle n’en est pas moins, par le style, par l’écriture musicale,
par l’extraordinaire richesse de l'instrumentation, par le dessin des caractères et
l’intensité d’expression du sentiment, une merveille de grâce, d’esprit et de ten-
dresse où s’accuse, à chaque page, le génie qui produisit Benveuuto Cellini et les
Troyens. Si la verve railleuse y domine, comme l’exigeait la donnée, les sentiments
graves qui la traversent y sont plus profondément accentués que dans Benveuuto ;
le trio des jeunes filles, par exemple, respire une langueur amoureuse qui remue les
fibres les plus intimes du cœur; Pair de Béatrice, à un moment, devient d’une
grandeur tragique extraordinaire, et quant au duo nocturne, que tout le monde
connaît, à Paris, il égale, on le sait, les plus hautes inspirations lyriques. 11 y a
quatre ou cinq ans, la Société des « Grandes auditions musicales » a donné, à
l’Odéon, quelques représentations de cet ouvrage; mais M. Lamoureux, qui le
 
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