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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

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https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0530
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510

GAZETTE DES BEAUX-AIITS.

un chapitre où. en quelques-unes de leurs pages les plus étincelantes, ils présentent
Decamps aux lecteurs avec des couleurs qui semblent avoir été dérobées à sa
palette 1 : « Ce mur, ce mur blanchi et reblanchi de chaux vive, mangeant les yeux,
usant le soleil,les pinceauxde Decamps le truellent ; ils le maçonnent, ils le crépissen t ;
le chiffon, le grattoir, le bouchon et le couteau à palette, ils appellent tous les aides
de la pratique. EL soudain le mur, le mur lui-même est tout entier sur sa toile,
calciné, lézardé, grenu, poreux, suant des micas, rougi par des esquilles de briques,
émeraude par d’humides suintées, les pieds roux de fumier, baveux d’immon-
dices; un mur en personne naturelle, confessé tout entier, contant toute son histoire,
toute sa vie de pluie et de soleil. — Et faut-il une ombre sur ce mur, une
petite cernée d’outre-mer la fera lumineuse et transparente, comme il convient à
une ombre faite sur un tel mur, par un tel soleil. Même l’ombre franche, l’ombre
crue, l'ombre sous celle porte, elle sera l’ombre qui est; et des glacis, et des lavis,
et des frottis, il sortira, non une nuit partielle, mais une défaillance de lumière
noyée et ensevelie dans la poussière dorée du jour, sans que le maître ait sacrifié
une arête, une solidité, une vigueur 2! »

Ce n’est plus là seulement une description curieusement fouillée, minutieuse-
ment exacte, en un style approprié au sujet même; c’est la parole écrite devenue
peinture, la plume digne rivale du pinceau. 11 ne suffit pointt pour traduire ainsi
par des mots une œuvre peinte, d’être un merveilleux ouvrier de la phrase, il faut
avoir manié l’outil dont on parle, en connaître les secrets, être du métier. El de
failles Concourt sont de si habiles aquarellistes et aqua-fortistes que telle ou telle
des illustrations de leur voyage d’Italie semblent d’un héritier de Gabriel de
Saint-Aubin.

Tout en réservant pour Decamps les traitslesplus brillants etles plus délicatsde
leur pinceau magique, les Concourt gardent encore pour quelques autres de leurs
favoris, de chatoyantes couleurs et des touches lumineuses. De ce nombre sont :
Ziem, Daubigny, dont la Moisson est proclamée « chef-d’œuvre « ; Ilervier, « le
Decamps des ports de mer »; Bonvin, qui leur remet en mémoire une jolie pensée
de Montaigne sur les naïvetés etles grâces de la poésie populaire et purement natu-
relle ; Théodore Rousseau, « qui a poussé plus loin qu’aucun l’élude des plus délicates
modifications du jour, et le rendu des plus difficiles jeux de lumière dans la ver-
dure, par le malin, à midi, le soir, avant la pluie, après la pluie » ; Jules Dupré,
dont le Soleil couchant est « un paysage ensoleillé comme une aquarelle de
Bonington»; Couture, sur lequel ils fondent des espérances que l’avenir a déçues;
Gavarni, auquel ils consacreront plus lard tout un livre et dont iis célèbrent déjà
« les admirables dessins à dessous de fusain et de crayon rouge fixés et touchés par
dessus d’aquarelle, de crayon lithographique, de gouache, de pastel ».

S’ils ne ménagent pas les exclamations enthousiastes à ceux qu’ils aiment, ils
ont, à l’égard des autres, des libertés d’appréciation qui tranchent avec les
éloges réglementaires des salonniers officiels. Avec ses grandes « machines mili-
taires », Horace Vernet « tient le milieu entre un metteur en scène de cirque et un
peintre »; Meissonier, qu’ils discutent à fond, dont les souliers et les bas sont le
triomphe, ne trouve « pour rendre la chair, la chair humaine, la chair animée,

1. Etudes d’art, pages 202-209.

2. Études d’art, pages 205-206.
 
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