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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
nous l’avons dit, se contenter, pour toute notion des moeurs orien-
tales, d’un voyage aux côtes barbaresques, pays qui n’a aucun rapport
avec le premier. Mais une fois les échelles du Levant ouvertes aux
Chrétiens, l’identité des lieux saints fut facile à vérifier. Il ne nous
appartient pas de dire ici comment la logique veut qu’on illustre
la Bible et les Evangiles. Les Orientaux, partant d’idées religieuses
qui se sont cristallisées en dernier lieu dans le Coran, ont proscrit la
peinture et la sculpture lorsqu’elles représentent l’homme et la
nature animée. Les sémites, les Arabes, ne se sont pas peints eux-
mêmes, et c’est par induction qu’on peut supposer que les person-
nages évangéliques, par exemple, étaient vêtus comme le sont encore
les pauvres cultivateurs de la Galilée. Laissons la dispute pendante
entre la critique scientifique et la fantaisie qui fait le fond de l’art.
La première n’a pas peu servi à prolonger le prestige de l’Orient, en
apprenant à ceux qui l’ignoraient qu’on peut encore voir quelque
part, vivant et agissant, des Laban, des Rachel, des Ruth et des
Booz, des pêcheurs sur le lac de ^énézareth et des saint Jean-Bap-
tiste administrant le baptême dans le Jourdain.
Bida mit tout son tact à créer la nouvelle iconographie sacrée.
Les Évcmgiles illustrés par lui furent une suite de dessins révélateurs
par leur ardente exactitude et leur minutie documentaire; d’ailleurs
l’émotion y est visible à chaque page : ce sont à la fois les croquis
d’un voyageur et d’un érudit soucieux de ne rien laisser échapper.
Depuis lors,M. Vereschaguine, dont j’ai déjà parlé, a visité Nazareth,
Tibériade et Jéricho avec des préoccupations un peu plus positives.
Mais il semble que le mouvement se précipite encore : on annonce
que M. James Tissot exposera prochainement une suite de tableaux
historiques rapportés de cette Judée, de cette Galilée, dont la misère
actuelle parle tant à l’esprit. D’ailleurs, il n’est pas de Salon de pein-
ture où on ne remarque que l’Orient est mis régulièrement à contri-
bution par les peintres de scènes religieuses. Je me permettrai
même, à ce sujet, de rapporter deux observations que je fis jadis sur
les lieux consacrés par l’histoire : c’est d’abord que l’aspect de la
lerre-Sainte a beaucoup changé, pour diverses raisons, depuis les
temps traditionnels; puis, que le palmier est un arbre très rare
en Syrie et en Palestine. Or, on en a mis partout...
Les étapes, les centres de ralliement des peintres modernes lors-
qu’ils quittent l’Europe, sont en petit nombre et bien connus. Com-
mençons donc arbitrairement par l’Est pour étiqueter des noms
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
nous l’avons dit, se contenter, pour toute notion des moeurs orien-
tales, d’un voyage aux côtes barbaresques, pays qui n’a aucun rapport
avec le premier. Mais une fois les échelles du Levant ouvertes aux
Chrétiens, l’identité des lieux saints fut facile à vérifier. Il ne nous
appartient pas de dire ici comment la logique veut qu’on illustre
la Bible et les Evangiles. Les Orientaux, partant d’idées religieuses
qui se sont cristallisées en dernier lieu dans le Coran, ont proscrit la
peinture et la sculpture lorsqu’elles représentent l’homme et la
nature animée. Les sémites, les Arabes, ne se sont pas peints eux-
mêmes, et c’est par induction qu’on peut supposer que les person-
nages évangéliques, par exemple, étaient vêtus comme le sont encore
les pauvres cultivateurs de la Galilée. Laissons la dispute pendante
entre la critique scientifique et la fantaisie qui fait le fond de l’art.
La première n’a pas peu servi à prolonger le prestige de l’Orient, en
apprenant à ceux qui l’ignoraient qu’on peut encore voir quelque
part, vivant et agissant, des Laban, des Rachel, des Ruth et des
Booz, des pêcheurs sur le lac de ^énézareth et des saint Jean-Bap-
tiste administrant le baptême dans le Jourdain.
Bida mit tout son tact à créer la nouvelle iconographie sacrée.
Les Évcmgiles illustrés par lui furent une suite de dessins révélateurs
par leur ardente exactitude et leur minutie documentaire; d’ailleurs
l’émotion y est visible à chaque page : ce sont à la fois les croquis
d’un voyageur et d’un érudit soucieux de ne rien laisser échapper.
Depuis lors,M. Vereschaguine, dont j’ai déjà parlé, a visité Nazareth,
Tibériade et Jéricho avec des préoccupations un peu plus positives.
Mais il semble que le mouvement se précipite encore : on annonce
que M. James Tissot exposera prochainement une suite de tableaux
historiques rapportés de cette Judée, de cette Galilée, dont la misère
actuelle parle tant à l’esprit. D’ailleurs, il n’est pas de Salon de pein-
ture où on ne remarque que l’Orient est mis régulièrement à contri-
bution par les peintres de scènes religieuses. Je me permettrai
même, à ce sujet, de rapporter deux observations que je fis jadis sur
les lieux consacrés par l’histoire : c’est d’abord que l’aspect de la
lerre-Sainte a beaucoup changé, pour diverses raisons, depuis les
temps traditionnels; puis, que le palmier est un arbre très rare
en Syrie et en Palestine. Or, on en a mis partout...
Les étapes, les centres de ralliement des peintres modernes lors-
qu’ils quittent l’Europe, sont en petit nombre et bien connus. Com-
mençons donc arbitrairement par l’Est pour étiqueter des noms