L’EXPOSITION D’ART ANCIEN A UTRECHT.
51
Attribuer une création à un peintre dont personne ne connaît
jusqu’à ce jour une œuvre authentique est chose hasardeuse. Nous ne
disons pas que les panneaux de la vie de saint Bertin sont caracté-
ristiques de la manière de Marmion. Au nombre des primitifs déter-
minés, nous n’en connaissons point que nous puissions lui donner
avec une certitude suffisante. Parmi les indéterminés, c’est le
délicat diptyque d’Anvers, où un abbé de Prémontré s’agenouille
devant la Madone, œuvre toujours, mais à tort, attribuée à Mem-
ling, qui hante notre souvenir.
Certainement les panneaux de Saint-Omer joignent à la délica-
tesse la grâce et la dignité des meilleures créations de l’illustre
bourgeois de Bruges. Leur coloris les range plus près de Thierry
Bouts, dont ils ont aussi la touche onctueuse.
Ce qu’il y a de certain, c’est qu’en dehors, de Jean Van Eyck,
peu de maîtres du xve siècle ont poussé si loin l'entente de la
composition et celle des convenances pittoresques. Ces délicats
épisodes de la vie de saint Bertin sont à n’oublier jamais, qu’on
les envisage à titre d’informations sur les mœurs et le costume ou
comme réalisation artistique pure.
La dégradation des tons y est supérieure et c’est à bon droit que
M. de Laborde a pu dire que quand on voudra citer les merveilles de
la peinture, on mentionnera dans le nombre les deux volets du retable
de Saint-Bertin. On l’eût fait dès longtemps si au lieu d’être presque
cachés dans un palais, un musée avait eu le privilège de les conserver.
Il nous faut renoncer au plaisir d’analyser ici ces délicieux mor-
ceaux. Ils l’ont été décrits deux fois avec une égale conscience, d’abord
en 1881, par le chevalier Victor de Stuers, dans le Kunstbode; puis
en 1892, par Mgr Dehaisnes. On se fera une idée de leur caractère par
la quatrième composition du volet de gauche, la Réception de saint Bertin
et de ses compagnons par saint Orner, reproduits dans notre estampe.
Inutile d’insister sur la place revendiquée par le peintre parmi ces
prodigieux Flamands du xve siècle, dont il semble que l’on a tout
dit en citant les Van Eyck, Van der Weyden, Christus, Memling et
Bouts. Xroici que subitement apparaît parmi eux un émule dont il
va être bien intéressant de reconstituer l’œuvre comme déjà l’on a
commencé à le faire pour cet autre grand peintre dit le « maître de
Mérode », que nous avons appelé, nous, le maitre des Annonciations.
Un point à ne pas laisser inaperçu, et que déjà nous avons
abordé en analysant, dans les colonnes de la Chronique des Arts, le
substantiel travail de Mgr Dehaisnes : la surprenante analogie entre
51
Attribuer une création à un peintre dont personne ne connaît
jusqu’à ce jour une œuvre authentique est chose hasardeuse. Nous ne
disons pas que les panneaux de la vie de saint Bertin sont caracté-
ristiques de la manière de Marmion. Au nombre des primitifs déter-
minés, nous n’en connaissons point que nous puissions lui donner
avec une certitude suffisante. Parmi les indéterminés, c’est le
délicat diptyque d’Anvers, où un abbé de Prémontré s’agenouille
devant la Madone, œuvre toujours, mais à tort, attribuée à Mem-
ling, qui hante notre souvenir.
Certainement les panneaux de Saint-Omer joignent à la délica-
tesse la grâce et la dignité des meilleures créations de l’illustre
bourgeois de Bruges. Leur coloris les range plus près de Thierry
Bouts, dont ils ont aussi la touche onctueuse.
Ce qu’il y a de certain, c’est qu’en dehors, de Jean Van Eyck,
peu de maîtres du xve siècle ont poussé si loin l'entente de la
composition et celle des convenances pittoresques. Ces délicats
épisodes de la vie de saint Bertin sont à n’oublier jamais, qu’on
les envisage à titre d’informations sur les mœurs et le costume ou
comme réalisation artistique pure.
La dégradation des tons y est supérieure et c’est à bon droit que
M. de Laborde a pu dire que quand on voudra citer les merveilles de
la peinture, on mentionnera dans le nombre les deux volets du retable
de Saint-Bertin. On l’eût fait dès longtemps si au lieu d’être presque
cachés dans un palais, un musée avait eu le privilège de les conserver.
Il nous faut renoncer au plaisir d’analyser ici ces délicieux mor-
ceaux. Ils l’ont été décrits deux fois avec une égale conscience, d’abord
en 1881, par le chevalier Victor de Stuers, dans le Kunstbode; puis
en 1892, par Mgr Dehaisnes. On se fera une idée de leur caractère par
la quatrième composition du volet de gauche, la Réception de saint Bertin
et de ses compagnons par saint Orner, reproduits dans notre estampe.
Inutile d’insister sur la place revendiquée par le peintre parmi ces
prodigieux Flamands du xve siècle, dont il semble que l’on a tout
dit en citant les Van Eyck, Van der Weyden, Christus, Memling et
Bouts. Xroici que subitement apparaît parmi eux un émule dont il
va être bien intéressant de reconstituer l’œuvre comme déjà l’on a
commencé à le faire pour cet autre grand peintre dit le « maître de
Mérode », que nous avons appelé, nous, le maitre des Annonciations.
Un point à ne pas laisser inaperçu, et que déjà nous avons
abordé en analysant, dans les colonnes de la Chronique des Arts, le
substantiel travail de Mgr Dehaisnes : la surprenante analogie entre