LE MUSÉE DU PRADO.
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plus autour de lui aucun artiste de talent. L’art national était mort.
Il s’adressa d’abord à la France, et, désignés par Lebrun, les deux
Houasse, père et fils, puis Jean Ranc et, après celui-ci, Louis-
Michel Yanloo lui furent envoyés. D’Italie arrivent successivement
Vanvitelli, Procacini, Amiconi et Giaquinto Corrado. L’académie de
San-Fernando est fondée en 1751; ses cours de dessin, de peinture,
de sculpture sont dirigés tour à tour par ces maîtres étrangers.
Puis, c’est le règne de Raphaël Mengs qui, sous Charles III, devient
le surintendant des Beaux-Arts. De tous ces enseignements contra-
dictoires, de cette confusion de doctrines et de méthodes, que
pouvait-il naître de fécond? Les résultats furent plus qu’insignifiants.
Les élèves qui furent formés de ce pêle-mêle de formules et de
pratiques restèrent des impuissants, inhabiles à produire quoi
que ce soit de leur propre fonds. Un maître existe cependant, un
isolé, Louis Menendez (1716-1780); mais celui-là a été enseigné selon
les traditions de l’ancienne école; c’est encore un Espagnol de
race, qui n’aborde point les compositions ambitieuses et se borne à
bien peindre le portrait et la nature morte. Le Musée du Prado a de
lui, dans ce dernier genre, d’assez nombreux tableaux, tous d’une
belle pâte, d’une solide facture et d’un coloris chaud et puissant.
Mais, à côté de ce petit maitre, combien de productions fades et sans
valeur? Elles sont innombrables au Prado les œuvres des Bayeu, des
Maella et de tant d’autres, parmi lesquelles on ne parviendrait pas à
découvrir un seul véritable morceau de peinture ! Voici pourtant une
exception, une véritable surprise; c’est un ouvrage d’un rejeton de
l’Ecole française, mais resté bien espagnol par la chaleur et la
vigueur de ses tons. Luis Paret y Alcazar (1747-1799) a été formé
par le peintre Charles de la Traverse, un élève de Boucher, qui,
attaché à la maison du marquis d’Ossun, ambassadeur de France,
est venu habiter Madrid. Son tableau : Les couples royaux, représente
une fête donnée à Aranjuez, à l’occasion de la prestation de serment
du prince des Asturies, en 1789; cela ressemble à une sorte de
carrousel, où figurent les personnages de la famille royale, caval-
cadant par couples, sur des chevaux richement harnachés, au milieu
d’une population en joie. Paret fut l’auteur de quelques peintures
tout à fait charmantes, fêtes champêtres, idylles gracieuses, vues
animées de laPuerta del Sol, qu’il sut composer avec verve et traiter
d’un pinceau délicat, dans une gamme colorée et très pimpante,
rappelant un peu les maîtres français et vénitiens du xvme siècle et,
aussi, son illustre contemporain, Francisco Goya.
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plus autour de lui aucun artiste de talent. L’art national était mort.
Il s’adressa d’abord à la France, et, désignés par Lebrun, les deux
Houasse, père et fils, puis Jean Ranc et, après celui-ci, Louis-
Michel Yanloo lui furent envoyés. D’Italie arrivent successivement
Vanvitelli, Procacini, Amiconi et Giaquinto Corrado. L’académie de
San-Fernando est fondée en 1751; ses cours de dessin, de peinture,
de sculpture sont dirigés tour à tour par ces maîtres étrangers.
Puis, c’est le règne de Raphaël Mengs qui, sous Charles III, devient
le surintendant des Beaux-Arts. De tous ces enseignements contra-
dictoires, de cette confusion de doctrines et de méthodes, que
pouvait-il naître de fécond? Les résultats furent plus qu’insignifiants.
Les élèves qui furent formés de ce pêle-mêle de formules et de
pratiques restèrent des impuissants, inhabiles à produire quoi
que ce soit de leur propre fonds. Un maître existe cependant, un
isolé, Louis Menendez (1716-1780); mais celui-là a été enseigné selon
les traditions de l’ancienne école; c’est encore un Espagnol de
race, qui n’aborde point les compositions ambitieuses et se borne à
bien peindre le portrait et la nature morte. Le Musée du Prado a de
lui, dans ce dernier genre, d’assez nombreux tableaux, tous d’une
belle pâte, d’une solide facture et d’un coloris chaud et puissant.
Mais, à côté de ce petit maitre, combien de productions fades et sans
valeur? Elles sont innombrables au Prado les œuvres des Bayeu, des
Maella et de tant d’autres, parmi lesquelles on ne parviendrait pas à
découvrir un seul véritable morceau de peinture ! Voici pourtant une
exception, une véritable surprise; c’est un ouvrage d’un rejeton de
l’Ecole française, mais resté bien espagnol par la chaleur et la
vigueur de ses tons. Luis Paret y Alcazar (1747-1799) a été formé
par le peintre Charles de la Traverse, un élève de Boucher, qui,
attaché à la maison du marquis d’Ossun, ambassadeur de France,
est venu habiter Madrid. Son tableau : Les couples royaux, représente
une fête donnée à Aranjuez, à l’occasion de la prestation de serment
du prince des Asturies, en 1789; cela ressemble à une sorte de
carrousel, où figurent les personnages de la famille royale, caval-
cadant par couples, sur des chevaux richement harnachés, au milieu
d’une population en joie. Paret fut l’auteur de quelques peintures
tout à fait charmantes, fêtes champêtres, idylles gracieuses, vues
animées de laPuerta del Sol, qu’il sut composer avec verve et traiter
d’un pinceau délicat, dans une gamme colorée et très pimpante,
rappelant un peu les maîtres français et vénitiens du xvme siècle et,
aussi, son illustre contemporain, Francisco Goya.