ISABELLE D’ESTE ET LES ARTISTES DE SON TEMPS. 393
Dès son retour, une lettre du 22 octobre 1490, adressée à Isabelle par
Battista Guarino, fils du fameux Guarino de Vérone, ancien précep-
teur delà princesse, lui recommanda Mantegna comme digne de tout
son intérêt, en appelant sur lui les faveurs delà nouvelle épouse. Le
peintre des Triomphes n’était pas tout à fait un étranger pour la
princesse : il avait peint le portrait de sa mère, la duchesse de Ferrare,
et, en 1485, celle-ci avait reçu du quatrième marquis un tableau de
la main d’Andrea; de plus, Isabelle, encore enfant, avait pu voir l’ar-
tiste à Ferrare, car celui-ci y avait séjourné quelque temps lors d’une
de ces représentations théâtrales dont les Este étaient coutumiers.
Mantegna, à cette occasion, avait même brossé pour eux un décor
représentant les Triomphes de Pétrarque. Jusqu’au règne intellec-
tuel d’Isabelle, sous trois souverains successifs, Andrea, peintre de
cour, avait donc rempli son office. Sous Louis III, second marquis, il
décorait le palais de Goito, lieu favori de villégiature, et, plus tard, le
castello vecchio, où nous l’avons vu peindre des épisodes de la vie du
prince ; il continuait son œuvre dans les villas des Gonzague sous
Frédéric, troisième marquis; et sous le quatrième, enfin, l’époux
d’Isabelle, il exécutait, dans le palais privé de la Pusterla, les fameux
Triomphes de César. Cette œuvre à peine achevée, Innocent VIII le
demandait à Gian Francesco pour lui confier la décoration de cette
chapelle du Belvédère au Aratican, que Pie VI devait malheureuse-
ment détruire. Dès son retour de Rome, nous voyons Mantegna se
présenter à Isabelle, muni de la lettre de Guarino de Vérone. La
première rencontre ne fut pas heureuse ; Mantegna n'avait pas le
don de la souplesse, l'artiste était entier et l’homme était grave
jusqu’à l’austérité. Les grandes dames, de tous temps, sont des
modèles redoutés des grands peintres ; — Isabelle, à la demande de
la comtesse de Cerra, avait prié Andrea de faire son portrait pour
l’envoyer à son amie; elle était belle, elle n’avait pas encore
vingt ans; et nous verrons plus tard quelles étaient ses exigences.
Ou l’artiste a refusé d’exécuter ce portrait, ou l’œuvre ne plut point
à la marquise 1 ; mais Mantegna devait bientôt prendre sa revanche.
Dès septembre 1493, Andrea est en possession du sujetqu’il doit peindre
pour le premier sludiolo; nous le savons par la marquise elle-même
à laquelle son correspondant de Venise, Antonio Salimbeni, envoie
des couleurs bleu d’outre-mer, laques et autres couleurs super fines dont
sono piu slato si puo dire alievo de la IIP Casa de Gonzaga, eâ e mi sempre inzegnato
di farli onore, e son qui per queslo... suplicandolo li sia raccommandata la mia brigata
da Mantua. » — Lettre d’Andrea au marquis de Mantoue, de Rome, 1489.
Dès son retour, une lettre du 22 octobre 1490, adressée à Isabelle par
Battista Guarino, fils du fameux Guarino de Vérone, ancien précep-
teur delà princesse, lui recommanda Mantegna comme digne de tout
son intérêt, en appelant sur lui les faveurs delà nouvelle épouse. Le
peintre des Triomphes n’était pas tout à fait un étranger pour la
princesse : il avait peint le portrait de sa mère, la duchesse de Ferrare,
et, en 1485, celle-ci avait reçu du quatrième marquis un tableau de
la main d’Andrea; de plus, Isabelle, encore enfant, avait pu voir l’ar-
tiste à Ferrare, car celui-ci y avait séjourné quelque temps lors d’une
de ces représentations théâtrales dont les Este étaient coutumiers.
Mantegna, à cette occasion, avait même brossé pour eux un décor
représentant les Triomphes de Pétrarque. Jusqu’au règne intellec-
tuel d’Isabelle, sous trois souverains successifs, Andrea, peintre de
cour, avait donc rempli son office. Sous Louis III, second marquis, il
décorait le palais de Goito, lieu favori de villégiature, et, plus tard, le
castello vecchio, où nous l’avons vu peindre des épisodes de la vie du
prince ; il continuait son œuvre dans les villas des Gonzague sous
Frédéric, troisième marquis; et sous le quatrième, enfin, l’époux
d’Isabelle, il exécutait, dans le palais privé de la Pusterla, les fameux
Triomphes de César. Cette œuvre à peine achevée, Innocent VIII le
demandait à Gian Francesco pour lui confier la décoration de cette
chapelle du Belvédère au Aratican, que Pie VI devait malheureuse-
ment détruire. Dès son retour de Rome, nous voyons Mantegna se
présenter à Isabelle, muni de la lettre de Guarino de Vérone. La
première rencontre ne fut pas heureuse ; Mantegna n'avait pas le
don de la souplesse, l'artiste était entier et l’homme était grave
jusqu’à l’austérité. Les grandes dames, de tous temps, sont des
modèles redoutés des grands peintres ; — Isabelle, à la demande de
la comtesse de Cerra, avait prié Andrea de faire son portrait pour
l’envoyer à son amie; elle était belle, elle n’avait pas encore
vingt ans; et nous verrons plus tard quelles étaient ses exigences.
Ou l’artiste a refusé d’exécuter ce portrait, ou l’œuvre ne plut point
à la marquise 1 ; mais Mantegna devait bientôt prendre sa revanche.
Dès septembre 1493, Andrea est en possession du sujetqu’il doit peindre
pour le premier sludiolo; nous le savons par la marquise elle-même
à laquelle son correspondant de Venise, Antonio Salimbeni, envoie
des couleurs bleu d’outre-mer, laques et autres couleurs super fines dont
sono piu slato si puo dire alievo de la IIP Casa de Gonzaga, eâ e mi sempre inzegnato
di farli onore, e son qui per queslo... suplicandolo li sia raccommandata la mia brigata
da Mantua. » — Lettre d’Andrea au marquis de Mantoue, de Rome, 1489.