LES SALONS DE 1895
443
voulaient jeter un regard sur les relevés fidèles dont la Commission
des monuments historiques a si grand’raison d’enrichir chaque année ses
archives1 ! Yoilà les modèles à étudier, l’enseignement à retenir, la
tradition à renouer ! Mais le peintre émancipé ne se résigne plus à
être le vassal, l’humble auxiliaire de l'architecte. L’un et l’autre,
talonnés par le désir de prédominer, ont cessé dès longtemps de
s’entr’aider, de faire mutuellement valoir leurs ouvrages au profit
de l’œuvre commune. Nos prétendues décorations sont de simples
tableaux brossés à l’atelier et incapables de former corps avec la
muraille, en dépit du marouflage. Comment pourrait-il en aller
autrement? Les questions de technique, les façons de procéder indif-
fèrent. C’est une exceptionnelle aventure, si un artiste tente la
restauration de la fresque, comme M. Bastien-Lepage, ou supplée,
par un calcul mental, à l’exécution sur place et s’astreint à varier
sa manière selon l’entour, le point de vue, la lumière. Ici, la consé-
quence des errements réalistes a été, plus que partout ailleurs,
funeste. Qui dit décoration, entend respect de la destination, sacrifice
des détails, subordination de chaque partie à l’ensemble; il s’agit
non plus d’imiter, mais d’interpréter; littéralité de la copie, littéra-
lité de l’observation demeurent également intolérables et de là
vient notre malaise devant les Halles de M. Lhermitte. Le panneau
préparé pour l’Hôtel de Arille, et qui parait inspiré par le Ventre
de Paris, possède la précision rigoureuse, documentaire, d’un instan-
tané ; il en offre aussi le caractère épisodique, anecdotique, acci-
dentel, incompatible avec l’éternité promise à l’œuvre. La déforma-
tion des premiers plans, leur grossissement, ne constituent pas une
violation moins flagrante des lois qui interdisent à la peinture
murale les artifices du trompe-l’œil. Tout de même, il fut peut-être
trop recommandé aux artistes de se tenir à la stricte reproduction des
apparences, et mal en prit à M. Lhermitte de suivre la formule. On
regrette tant de soins, tant de savoir employés en pure perte, et,
avide de consolation, la pensée se reporte aux fusains inégalables
dans lesquels M. Lhermitte a donné sa pleine mesure et qui suffisent
à sa gloire.
Il n’était pas sans curiosité de voir M. Roll aux prises avec
1. Voir au Salon des Champs-Elysées (section d’architecture) : la Danse macabre
de Kermaria, par M. Guédy, et Peintures murales de la cathédrale dé Amiens, par
M Laffillée, les Fresques du château de Valprivas, de la cathédrale du Puy, des
abbayes de Sainte-Seine et de la Chaise-Dieu, par M. Yperman.
443
voulaient jeter un regard sur les relevés fidèles dont la Commission
des monuments historiques a si grand’raison d’enrichir chaque année ses
archives1 ! Yoilà les modèles à étudier, l’enseignement à retenir, la
tradition à renouer ! Mais le peintre émancipé ne se résigne plus à
être le vassal, l’humble auxiliaire de l'architecte. L’un et l’autre,
talonnés par le désir de prédominer, ont cessé dès longtemps de
s’entr’aider, de faire mutuellement valoir leurs ouvrages au profit
de l’œuvre commune. Nos prétendues décorations sont de simples
tableaux brossés à l’atelier et incapables de former corps avec la
muraille, en dépit du marouflage. Comment pourrait-il en aller
autrement? Les questions de technique, les façons de procéder indif-
fèrent. C’est une exceptionnelle aventure, si un artiste tente la
restauration de la fresque, comme M. Bastien-Lepage, ou supplée,
par un calcul mental, à l’exécution sur place et s’astreint à varier
sa manière selon l’entour, le point de vue, la lumière. Ici, la consé-
quence des errements réalistes a été, plus que partout ailleurs,
funeste. Qui dit décoration, entend respect de la destination, sacrifice
des détails, subordination de chaque partie à l’ensemble; il s’agit
non plus d’imiter, mais d’interpréter; littéralité de la copie, littéra-
lité de l’observation demeurent également intolérables et de là
vient notre malaise devant les Halles de M. Lhermitte. Le panneau
préparé pour l’Hôtel de Arille, et qui parait inspiré par le Ventre
de Paris, possède la précision rigoureuse, documentaire, d’un instan-
tané ; il en offre aussi le caractère épisodique, anecdotique, acci-
dentel, incompatible avec l’éternité promise à l’œuvre. La déforma-
tion des premiers plans, leur grossissement, ne constituent pas une
violation moins flagrante des lois qui interdisent à la peinture
murale les artifices du trompe-l’œil. Tout de même, il fut peut-être
trop recommandé aux artistes de se tenir à la stricte reproduction des
apparences, et mal en prit à M. Lhermitte de suivre la formule. On
regrette tant de soins, tant de savoir employés en pure perte, et,
avide de consolation, la pensée se reporte aux fusains inégalables
dans lesquels M. Lhermitte a donné sa pleine mesure et qui suffisent
à sa gloire.
Il n’était pas sans curiosité de voir M. Roll aux prises avec
1. Voir au Salon des Champs-Elysées (section d’architecture) : la Danse macabre
de Kermaria, par M. Guédy, et Peintures murales de la cathédrale dé Amiens, par
M Laffillée, les Fresques du château de Valprivas, de la cathédrale du Puy, des
abbayes de Sainte-Seine et de la Chaise-Dieu, par M. Yperman.