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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 13.1895

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Nr. 6
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Ritter, William: Autriche et Allemagne, [1]: correspondance de l'étranger
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https://doi.org/10.11588/diglit.24666#0548
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522

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

n’aurait su manquer à cette apothéose de pierre taillée. En bas au centre, achevai,
Rüdiger Stahremberg rentre triomphalement dans Vienne, et les statues latérales
de Colonitz et de Liebenberg achèvent l'ordonnance de ce fastueux monument, qui
jure moins avec les autels etla loge impériale dix-huitième siècle meublant le chœur
et les nefs, qu’avec le style d’un gothique si surchargé de la vénérable métropole.

Mais il est temps de quitter l’Autriche — où nous n’avons cependant guère
fait que de nous occuper de peintres allemands — pour passer en Allemagne où
nous attend un événement important : l'apparition de la grande œuvre tant
annoncée et tant retardée de M. Max Klinger, un album de Fantaisies à l’eau-forte
sur de la musique de Brahms, volume d’un prix fabuleux, jusqu’ici ouvrage capital
du peintre et statuaire de Leipzig, tiré à petit nombre et dont toutes les planches
ont été solennellement détruites après officielle justification du tirage.

Ces Fantaisies sur de la musique de Brahms n’essaient aucunement d’inter-
préter les étrangetés, assujetties à une si forte discipline scolastique, des œuvres du
compositeur le moins viennois qui ait jamais vécu à Vienne; mais elles retracent
dans tout leur désordre les images qui remplissent les têtes imaginatives à l’audi-
tion de musique tumultueuse : chants de harpe planant sur des océans qui défer-
lent, formes tourmentées qui s’envolent dans les nuages, géants qui escaladent le
ciel par l’entassement des Ossas sur les Pélions, humanités primitives offrant des
sacrifices à des divinités cosmogoniques sur des plages balayées par le vent. Les
musiciens eux-mêmes déclarent ne pas saisir les rapports censés existants entre la
musique de Brahms et les eaux-fortes de M. Max Klinger. Ce qu'il y a de certain, c’est
que ces eaux-fortes admirables n'ont nul rapport avec les paroles du texte chanté
quand il y en a un; il faut donc les prendre pour ce qu’elles sont : de magnifiques
fantaisies intermédiaires entre les arts du dessin et ceux des sons, où la mythologie
rénovée, ou du moins différemment comprise, çà et là apparaît pour symboliser
les luttes polyphoniques de l’orchestration moderne. Une œuvre aussi ardue à
comprendre ne pouvait, ne devait pas être un succès populaire et a été plus discutée
qu’admirée. Si l’ensemble en est très étonnant, il faut convenir qu’ici comme
toujours dans les imaginations des grands idéalistes modernes, fùt-ce Bôcklin, il
y a des choses que le goût français ou anglais réprouvera absolument, à commencer
par certains nus féminins qui sont franchement laids.

Depuis deux ou trois ans il est à peu près impossible de parler d’une phase
quelconque de la vie artistique en Allemagne sans avoir à citer Bôcklin. L’Union
photographique de Munich vient de publier le tome second de cette collection des
principales œuvres du maître, dont le premier avait paru il y a deux ans, souscrit
par les plus riches bibliothèques et musées de l’Allemagne entière. La nouvelle
suite est, si possible, encore plus intéressante que la première; nous y retrouvons
la plupart des tableaux mentionnés dans la précédente correspondance, ou repro-
duits et cités dans les articles consacrés par la Gazette des Beaux-Arts à Bôcklin
en 1893; le maître y apparaît dans toute la prodigieuse variété de ses données et
de ses moyens.

WILLIAM RITTER.
 
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