Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 17.1897

DOI issue:
Nr. 3
DOI article:
Michel, Émile: Les miniatures de Fouquet à Chantilly
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.28018#0238
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
218

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

sa nature propre et de sa race que ses qualités natives se sont ainsi
étendues et élevées à un niveau supérieur. Il est resté lui-même et
bien français. Tout au plus convient-il de signaler chez lui, après ce
voyage, quelques réminiscences formelles des portiques, des bas-
reliefs ou des ornements décoratifs qu’il a pu copier à Rome, et qu’il
introduit dans les fonds des divers épisodes de la vie du Christ ou
des martyres des Saints qui ont fourni la matière des illustrations de
ce Livre d’il cures. Ma is ce ne sont là, à vrai dire, que des accessoires
pittoresques, un sacrifice à des préoccupations nettement accusées
dès lors et à ce courant de mode qui, de plus en plus, allait attirer
nos artistes en Italie, jusqu’à y perdre bientôt, et pour longtemps,
ce qui leur restait d’originalité. Mais, même lorsqu’il traite ces
grands sujets religieux, dont ses devanciers de Sienne et de Florence
ont déjà créé les types, le Couronnement de la Vierge par exemple,
il est de son temps et de son pays. Ainsi que le remarque très jus-
tement M. Gruyer, à l’inverse des ses confrères italiens qui, en
présence du surnaturel, s'abandonnent à leur imagination « sans
s’occuper de la vraisemblance ni de la raison, Fouquet, au contraire,
cherche la vraisemblance dans une peinture où tout est invraisem-
blance, et la raison dans un sujet que la raison ne comprend pas 1 ».

Comme l’avaient fait précédemment Dante, dans son Paradis, et
van Eyck, dans le Triomphe de l'Agneau, il a bien pu, lui aussi,
essayer d’entr'ouvrir les portes de la Jérusalem céleste, pour nous
montrer, dans un de ses meilleurs ouvrages, Y Intronisation de la
Vierge, les splendeurs de la cité mystique, telles qu’il aimait à se les
représenter; mais, bien qu’à cette occasion il prouve qu'il est capable
d’idéal, son intelligence est surtout posée, amie des réalités, faite pour
les voies moyennes. A ce titre encore, il représente bien cet esprit
bourgeois qui, dans notre littérature et dans notre art, comme dans
notre politique, allait se faire une place croissante à cette époque. Ce
qui restait du moyen âge va disparaître ; c’en est fini de ces aspirations
aventureuses et de ces folies sublimes qui, dans la période antérieure,
avaient traversé et soulevé en de si magnifiques élans toute la chré-
tienté. Plus de cathédrales, plus de croisades. Désormais, il ne s’agit
pas d’arracher le tombeau vide du Christ aux mains des infidèles.
Avec les misères et les ruines qui désolent tout notre pays, des
tâches plus proches s’imposent : c’est la France elle-même qu’il faut
délivrer de l’Anglais, c’est son propre sol qu’il faut conquérir, et,
comme pour montrer tout l’héroïsme, toute la sainteté, toute la
1. Les Quarante Fouquet de Chantilly, p. 120,
 
Annotationen