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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
remplies. Leur éclat et leur rôle décoratif ont flatté les regards du
plus barbare des soldats, comme ceux du prince le plus raffiné; ils
seyaient à la poitrine du Germain farouche aussi bien qu’au sein des
matrones romaines; ils s’appropriaient au culte chrétien comme aux
bacchanales. Aussi, ils ont une histoire, et leurs pérégrinations
successives, depuis l’écrin des princes orientaux, grecs ou romains,
jusqu’aux vitrines du Cabinet des médailles, en passant par les reli-
quaires du moyen âge, les dangers qu’ils ont courus, les noms dont
on les a baptisés, les naïfs honneurs dont ils ont été parfois entourés,
constituent, à coup sûr, un des plus curieux et des plus intéressants
chapitres de l’histoire des arts.
Cette histoire, que je me suis efforcé de retracer aussi complète
que possible pour un bon nombre des camées de la Bibliothèque
Nationale, on ne pourra réellement l’écrire dans son ensemble et en
combler les lacunes, que lorsque la publication des Inventaires des
anciens trésors des églises, des princes ou des particuliers sera plus
avancée qu'elle ne l’est encore aujourd’hui, et aussi lorsque seront
édités et bien illustrés les catalogues des collections publiques et
privées. C’est, en effet, par la comparaison entre les monuments qui
existent aujourd’hui sous nos vitrines et la description plus ou moins
précise des inventaires du moyen âge, que l’on peut espérer recon-
naître le signalement de ces objets précieux, dresser leur généalogie,
reconstituer leur état civil, dire en quelles mains ils ont successive-
ment passé, le rôle qu’on leur a fait jouer à travers les âges. Et, à ce
point de vue, ce ne sera pas un des moindres services que pourra
être appelé à rendre à l’érudition le Catalogue des Camées de la
Bibliothèque nationale.
Ce catalogue met aussi désormais notre merveilleuse série de
gemmes en relief, plus à la portée de celte pléiade d’artistes con-
temporains qui paraissent appelés à régénérer l’art de la gravure en
pierres fines dans notre pays. Si, en effet, vous considérez l'impor-
tance de plus en plus grande que prennent les arts mineurs, en
particulier la glyptique, dans nos expositions annuelles, il vous
semblera que cette branche de l’art s’engage enfin dans la voie de la
rénovation où l’a précédée la gravure en médailles. C’est en étudiant
les maîtres anciens que les médailleurs contemporains ont trouvé
l’inspiration des œuvres que tout le monde admire ; que les gra-
veurs de gemmes s’inspirent donc, à leur tour, des chefs-d’œuvre de
nos musées ; qu’ils recherchent, au lieu des gemmes banales et si
pauvres de couleurs sur lesquelles ils gravent trop souvent des
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remplies. Leur éclat et leur rôle décoratif ont flatté les regards du
plus barbare des soldats, comme ceux du prince le plus raffiné; ils
seyaient à la poitrine du Germain farouche aussi bien qu’au sein des
matrones romaines; ils s’appropriaient au culte chrétien comme aux
bacchanales. Aussi, ils ont une histoire, et leurs pérégrinations
successives, depuis l’écrin des princes orientaux, grecs ou romains,
jusqu’aux vitrines du Cabinet des médailles, en passant par les reli-
quaires du moyen âge, les dangers qu’ils ont courus, les noms dont
on les a baptisés, les naïfs honneurs dont ils ont été parfois entourés,
constituent, à coup sûr, un des plus curieux et des plus intéressants
chapitres de l’histoire des arts.
Cette histoire, que je me suis efforcé de retracer aussi complète
que possible pour un bon nombre des camées de la Bibliothèque
Nationale, on ne pourra réellement l’écrire dans son ensemble et en
combler les lacunes, que lorsque la publication des Inventaires des
anciens trésors des églises, des princes ou des particuliers sera plus
avancée qu'elle ne l’est encore aujourd’hui, et aussi lorsque seront
édités et bien illustrés les catalogues des collections publiques et
privées. C’est, en effet, par la comparaison entre les monuments qui
existent aujourd’hui sous nos vitrines et la description plus ou moins
précise des inventaires du moyen âge, que l’on peut espérer recon-
naître le signalement de ces objets précieux, dresser leur généalogie,
reconstituer leur état civil, dire en quelles mains ils ont successive-
ment passé, le rôle qu’on leur a fait jouer à travers les âges. Et, à ce
point de vue, ce ne sera pas un des moindres services que pourra
être appelé à rendre à l’érudition le Catalogue des Camées de la
Bibliothèque nationale.
Ce catalogue met aussi désormais notre merveilleuse série de
gemmes en relief, plus à la portée de celte pléiade d’artistes con-
temporains qui paraissent appelés à régénérer l’art de la gravure en
pierres fines dans notre pays. Si, en effet, vous considérez l'impor-
tance de plus en plus grande que prennent les arts mineurs, en
particulier la glyptique, dans nos expositions annuelles, il vous
semblera que cette branche de l’art s’engage enfin dans la voie de la
rénovation où l’a précédée la gravure en médailles. C’est en étudiant
les maîtres anciens que les médailleurs contemporains ont trouvé
l’inspiration des œuvres que tout le monde admire ; que les gra-
veurs de gemmes s’inspirent donc, à leur tour, des chefs-d’œuvre de
nos musées ; qu’ils recherchent, au lieu des gemmes banales et si
pauvres de couleurs sur lesquelles ils gravent trop souvent des