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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Nr. 6
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Bricon, Étienne: Frémiet, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0525
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GAZETTE UES BEAUX-ARTS

même la Jeanne d’Arc, où le sentiment pourrait si aisément l'em-
porter, l'intelligence l’emporte ; même la Femme enlevée par un
gorille, où dans leur exaspération les sens pourraient éclater, l'in-
telligence est la plus forte; ce qui fait que « l’horreur tragique
domine les idées repoussantes », comme le notait si bien en 1887 le
critique de la Gazette des Beaux-Arts. Constamment préoccupé de
comprendre, M. Frémiet touche la pensée plus que le sentiment :
aussi contente-t-il, mais ne ravit pas. On l’éprouve à considérer les
premières venues de ses figures, le Porte-falot de l’Hôtel de Ville ou
le Louis d'Orléans à cheval du château de Pierrefonds, qui donnent
l’impression pénétrante de la chose fortement comprise. A cette puis-
sance de la compréhension se mêle chez lui un accent d’esprit, un goù t
de sourire à l’aspect de ce qu’il observe, drame d’un moment qui nous
passionne et qui devient si petit dans le continuel recommencement
des heures et des êtres, — si grand pourtant par l’idée ; et son sou-
rire est bien celui d'un intellectuel, l’ironie d’un spectateur, exté-
rieure au fait, qui n’est pas du tout l’ironie intime du sentimental
mêlée à la chose même dont il souffre et dont il vit : ainsi le petit
singe qui s’amuse à regarder XÉléphant du Trocadéro, blessé et
gémissant, et s’en moque ; ainsi le colimaçon qui, contemplant la
lutte des Orangs-outangs et du sauvage de Bornéo, assiste en prome-
neur à celte grande tragédie primitive qui n’est pour lui que du bruit.

Parmi les intellectuels, les uns poursuivent le rêve ou l’idée
imaginée, les autres l’idée réalisée. Ceux qui poursuivent le rêve
prêtent aux choses la forme de leur choix ; ils regardent le ciel où
devant leurs yeux passent des féeries et les nuages mobiles qui
semblent vivre, et ils se confient à la nature qui les instruit et les
inspire ; inductifs, intuitifs, ils répètent non ce qui est ou a été,
mais ce qui leur apparaît en eux-mêmes, et ils créent des êtres fan-
taisistes ou symboliques, des personnages rêvés ou pensés, Fortunio
ou Hamlet ; seule les séduit l’idée imaginée et ils donnent la repré-
sentation de ce qu’ils imaginent. Les autres donnent la représentation
de ce qu’ils voient, de l’idée déjà réalisée, ils déduisent; ils n’écrivent
pas le poème de la vie, ils en écrivent l’histoire ; ils sont passionnés
pour le fait, recherchent le document, et, quand ils ne peuvent con-
naître exactement L’être dont ils interrogent la vie, du moins le
veulent-ils tel qu’il a dù exister, non tel qu’il l’aurait pu : jamais
ils n’inventent ; ce qui appelle leur intelligence et ce qui l’intéresse,
c’est la chose vécue, c’est la réalité personnelle des hommes dans
leur forme extérieure, avec la vérité du costume, des accessoires, du
 
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