APHRODITE ET ADONIS
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attraits que les anciens ont vantés dans la Vénus de Cnide, en parlant
de Y humidité de son regard ? Ce mélange de tristesse et de désir
caractérise toute une série de belles tètes antiques, depuis l'époque
d’Alexandre jusqu'à celle d’Hadrien; elles en ont transmis le secret
au plus praxitélicn des néo-attiques du XVIIIe siècle, à P.-P. Prud’hon.
Tel dessin de ce maître, rapproché du groupe d’Odessos, rendrait
tout à fait frappante l’analogie que nous signalons.
III
Pour finir par où nous aurions pu commencer, demandons-nous
maintenant ce que représente notre groupe. Celui de Naples, qui
lui ressemble, est encore inexpliqué ; du moins les explications
mythologiques qu’on en a tentées sont-elles plus ingénieuses que
convaincantes. S’il faut y voir, comme le proposait récemment
M. Heuzey, un « groupe conjugal », peut-être placé à l’origine sur
une tombe, la même interprétation pourrait convenir au groupe
d’Odessos. La présence de l’Eros — l’Eros enfant des sculpteurs
hellénistiques, inconnu de Praxitèle — permet-elle de préciser
davantage ? Assurément Eros accompagne Aphrodite, il est presque
un attribut de cette déesse ; mais que de fois, sur les vases peints
de style récent et dans les groupes de terre cuite, ne vient-il pas se
poser, à la façon d’un génie familier, sur les épaules ou à côté de
simples mortelles? S’il est donc permis, dans l’espèce, de songer
à Aphrodite et à Adonis, on ne peut pas dire que ces noms s’im-
posent sans autre forme de procès ; nous sommes sur le terrain
mouvant de l’éclectisme, où les sujets mythologiques et les sujets
de genre s’entremêlent jusqu’à la confusion L
Dans le Répertoire, comprenant plus de dix mille sculptures anti-
ques ou réputées telles, dont je viens d’achever la publication, il
n’y a que deux groupes de marbre où l’on ait reconnu Aphrodite et
Adonis. Le premier, publié par Montfaucon1 2, est évidemment
moderne ; le second, autrefois à Dresde et aujourd’hui disparu 3, ne
semble pas avoir été plus authentique. Il y a, en outre, deux groupes
de bronze, dont un seul, figuré sur un manche de miroir du British
Muséum, mérite la désignation qu’il a reçue : on y voit Aphrodite
1. Il n'y a rien à tirer des attributs. L’objet indistinct que tient l’éphèbe de
la main droite est peut-être une pomme ; celui que tient sa compagne, également
de forme globuleuse, n’est pas plus exactement défini.
2. Répertoire, 1.1, p. 343, I.
3. Ibid., p. 346, 5.
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attraits que les anciens ont vantés dans la Vénus de Cnide, en parlant
de Y humidité de son regard ? Ce mélange de tristesse et de désir
caractérise toute une série de belles tètes antiques, depuis l'époque
d’Alexandre jusqu'à celle d’Hadrien; elles en ont transmis le secret
au plus praxitélicn des néo-attiques du XVIIIe siècle, à P.-P. Prud’hon.
Tel dessin de ce maître, rapproché du groupe d’Odessos, rendrait
tout à fait frappante l’analogie que nous signalons.
III
Pour finir par où nous aurions pu commencer, demandons-nous
maintenant ce que représente notre groupe. Celui de Naples, qui
lui ressemble, est encore inexpliqué ; du moins les explications
mythologiques qu’on en a tentées sont-elles plus ingénieuses que
convaincantes. S’il faut y voir, comme le proposait récemment
M. Heuzey, un « groupe conjugal », peut-être placé à l’origine sur
une tombe, la même interprétation pourrait convenir au groupe
d’Odessos. La présence de l’Eros — l’Eros enfant des sculpteurs
hellénistiques, inconnu de Praxitèle — permet-elle de préciser
davantage ? Assurément Eros accompagne Aphrodite, il est presque
un attribut de cette déesse ; mais que de fois, sur les vases peints
de style récent et dans les groupes de terre cuite, ne vient-il pas se
poser, à la façon d’un génie familier, sur les épaules ou à côté de
simples mortelles? S’il est donc permis, dans l’espèce, de songer
à Aphrodite et à Adonis, on ne peut pas dire que ces noms s’im-
posent sans autre forme de procès ; nous sommes sur le terrain
mouvant de l’éclectisme, où les sujets mythologiques et les sujets
de genre s’entremêlent jusqu’à la confusion L
Dans le Répertoire, comprenant plus de dix mille sculptures anti-
ques ou réputées telles, dont je viens d’achever la publication, il
n’y a que deux groupes de marbre où l’on ait reconnu Aphrodite et
Adonis. Le premier, publié par Montfaucon1 2, est évidemment
moderne ; le second, autrefois à Dresde et aujourd’hui disparu 3, ne
semble pas avoir été plus authentique. Il y a, en outre, deux groupes
de bronze, dont un seul, figuré sur un manche de miroir du British
Muséum, mérite la désignation qu’il a reçue : on y voit Aphrodite
1. Il n'y a rien à tirer des attributs. L’objet indistinct que tient l’éphèbe de
la main droite est peut-être une pomme ; celui que tient sa compagne, également
de forme globuleuse, n’est pas plus exactement défini.
2. Répertoire, 1.1, p. 343, I.
3. Ibid., p. 346, 5.