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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 20.1898

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Nr. 2
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Bénédite, Léonce: Les salons de 1898, [4]
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

corniche légèrement cintrée. Au milieu, un jeune chef blanc, à
cheval, l’épée à la main, conduit un bataillon de noirs qui défilent à
son côté, l’arme à l’épaule, tambour en tète. Dans le champ supé-
rieur glisse, en un vol horizontal, une grave et mélancolique figure,
le Devoir, qui, d’un geste large et éloquemment triste, leur indique
le chemin de la gloire et de la mort. La marche rythmée des hommes,
l’accent de gravité résignée et soumise de ces soldats nègres, con-
trastant avec la fière énergie concentrée du jeune chef blanc, dont
le beau cheval, jeune et fier, nerveux et hennissant, souligne encore
le caractère d’enthousiasme contenu et de volonté patiente, et même
jusqu'à la compréhension sculpturale de tout cet équipement de
guerre, tout cela vous prend simplement, fortement et vous attache
par une véritable grandeur épique.

Nous arrivons maintenant au plus connu des monuments com-
mémoratifs que nous présente le Salon : la statue de Balzac par
M. Rodin, qui a eu l’honneur, avec l'affaire Zola et la guerre d’Es-
pagne cl d’Amérique, d’entretenir quelque temps la hadauderic uni-
verselle. Je me garderai de parodier un mot désormais célèbre et de
dire « qu’il n’y a pas d’affaire Rodin ». Mais, sans crainte de paraître
manquer soit de respect, soit de courage, on comprendra sans peine
que je ne revienne pas sur tout ce qui a été dit et que je ne reprenne
pas la discussion. Je n’ai pas à parler de la Société des gens de
lettres, qui s’est montrée imprudente et discourtoise, puisqu’elle
connaissait l’artiste et qu’elle n’avait point à refuser aussi scanda-
leusement ce à quoi elle pouvait s’attendre. Pourtant, M. Rodin se
fût montré plus avisé en n’acceptant pas une commande qui no
convenait guère à sa nature d’artiste, très personnelle, difficile à se
plier aux règles et aux gens. Telle qu’elle est, dans sa forme pro-
visoire, malgré une certaine grandeur dans l’attitude du personnage,
pris dans le cauchemar de la création, cette figure, insuffisamment
concrète et déterminée, de tendance trop littéraire, ne pouvait être
comprise en dehors de ceux qui étaient restés en contact avec la
pensée du maître.

Par un besoin de contraste naturel, on s’est plu à s’arrêter,avec
une admiration qu’on n’a pas ménagée et qui est justement méritée,
devant le groupe en marbre du Baiser, commandé par l’Etat. C’est
une œuvre déjà ancienne et qui n’eût pas obtenu sans doute autre-
fois le succès qu’on lui fait plus ou moins malicieusement aujour-
d’hui. L’œil s’habitue peu à peu inconsciemment à des nouveautés
qu’il avait jadis impitoyablement condamnées.
 
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