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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
à la vive détente, ne touche le sol que de sa pointe; en outre, si ce
pied était posé, il ne constituerait pas une base assez longue pour
justifier une autre altitude que celle qui commande la moitié d’un
pas ordinaire, et non le trot.
D’ailleurs, l’opinion portée par M. Cherbuliez sur l’ensemble de
la statue est sévère, d’autant qu’il approuve, un peu plus loin, la
pose hardie et-fibre du cavalier, dont le profil respire le défi et l’or-
gueil du commandement.
On doit reconnaître, en cola du moins, que le sculpteur a par-
faitement réussi à donner au spectateur l’impression du farouche
cavalier qu’était le condottiere aux formes rudes, emboîté dans la
selle à piquer.
La création de l’artiste s’impose sans conteste comme œuvre
d’art; le cheval no la rabaisse pas : il accuse, par son avant-main,
la direction d’un mouvement juste, qu’on peut aisément détailler.
En effet, si grossièrement comprises que soient les formes arrondies
de cette monture, elle répond naïvement à la position naturelle
d’une période de l’allure calme du pas.
Le cheval du Colleone appuie franchement à terre par scs deux
membres latéraux de droite. L’antérieur, penché en avant, montre
que l’animal progresse; ses deux pieds, du côté montoir, viennent
d’être, pendant un certain temps, levés simultanément; pour le mo-
ment, celui de devant, seul au soutien, indique la direction et,
celui de derrière, tendant à le remplacer clans l’empreinte qu’il quitte,
est juste à l’instant où sa pince, touchant déjà le sol, arrive au
poser.
On peut donc conclure que le mouvement de ce cheval est sim-
plement correct ; ce n’est pas, comme l’écrivait M. Cherbuliez, que
l’animal s’est endormi au moment qu’il s'allait mettre en marche et
qu’on a choisi ce temps pour le couler en bronze.
J’ajouterai une dernière citation : elle est tirée d’un livre de
notre savant confrère, M. Eugène Müntz. L’érudit et fin diseur des
choses de la Renaissance s’exprime ainsi : « Le Colleone se distingue
à la fois par l’allure superbe du cheval et par la fierté du cavalier.
Supérieur en cela à Donatello dans le Gattamelata, Verrocchio a su
établir un lien plus intime entre le héros et sa monture, la fusion est
plus complète, le rythme et l’harmonie plus grands.
» Cette robuste et vaillante figure du Colleone, revêtu de son
armure, le casque en tête, est bien, d’après l’appréciation de Perkins,
le type du condottiere italien. Le cheval, le cou ramassé, la tête légè-
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à la vive détente, ne touche le sol que de sa pointe; en outre, si ce
pied était posé, il ne constituerait pas une base assez longue pour
justifier une autre altitude que celle qui commande la moitié d’un
pas ordinaire, et non le trot.
D’ailleurs, l’opinion portée par M. Cherbuliez sur l’ensemble de
la statue est sévère, d’autant qu’il approuve, un peu plus loin, la
pose hardie et-fibre du cavalier, dont le profil respire le défi et l’or-
gueil du commandement.
On doit reconnaître, en cola du moins, que le sculpteur a par-
faitement réussi à donner au spectateur l’impression du farouche
cavalier qu’était le condottiere aux formes rudes, emboîté dans la
selle à piquer.
La création de l’artiste s’impose sans conteste comme œuvre
d’art; le cheval no la rabaisse pas : il accuse, par son avant-main,
la direction d’un mouvement juste, qu’on peut aisément détailler.
En effet, si grossièrement comprises que soient les formes arrondies
de cette monture, elle répond naïvement à la position naturelle
d’une période de l’allure calme du pas.
Le cheval du Colleone appuie franchement à terre par scs deux
membres latéraux de droite. L’antérieur, penché en avant, montre
que l’animal progresse; ses deux pieds, du côté montoir, viennent
d’être, pendant un certain temps, levés simultanément; pour le mo-
ment, celui de devant, seul au soutien, indique la direction et,
celui de derrière, tendant à le remplacer clans l’empreinte qu’il quitte,
est juste à l’instant où sa pince, touchant déjà le sol, arrive au
poser.
On peut donc conclure que le mouvement de ce cheval est sim-
plement correct ; ce n’est pas, comme l’écrivait M. Cherbuliez, que
l’animal s’est endormi au moment qu’il s'allait mettre en marche et
qu’on a choisi ce temps pour le couler en bronze.
J’ajouterai une dernière citation : elle est tirée d’un livre de
notre savant confrère, M. Eugène Müntz. L’érudit et fin diseur des
choses de la Renaissance s’exprime ainsi : « Le Colleone se distingue
à la fois par l’allure superbe du cheval et par la fierté du cavalier.
Supérieur en cela à Donatello dans le Gattamelata, Verrocchio a su
établir un lien plus intime entre le héros et sa monture, la fusion est
plus complète, le rythme et l’harmonie plus grands.
» Cette robuste et vaillante figure du Colleone, revêtu de son
armure, le casque en tête, est bien, d’après l’appréciation de Perkins,
le type du condottiere italien. Le cheval, le cou ramassé, la tête légè-