GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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Nous en avons pourtant publié deux récemment dans la Chro-
nique des Arts *, concernant l’œuvre do Michel Bourdin. S’ils ne nous
mènent pas très loin, ils nous font entrevoir au moins un bien curieux
emploi donné à ces effigies royales.
Il s’agit, dans ces actes tirés des minutes d’anciens notaires de
Saintes et datés de septembre 1611, d’un « pourtraict de dcfunct notre
roydernier déceddé» etdeses «ornements, d’ungciel etd'ungdoucier,
le tout de vellours bleu, chamarré de gallons d’or faux », et ceci nous
fait penser tout de suite à l’attirail de notre figure de Cassel avec sa
défroque fanée et ses grands colliers à bon marché. L’objet en ques-
tion se trouve dans la ville de Saintes et il y a conflit entre le sculp-
teur Michel Bourdin, qui de Paris s’est transporté à Saintes pour
défendre ses intérêts, et un certain Bechefcr qui veut lui restituer
cet objet et « n’en plus être à l’avenir responsable»; d’où somma-
tions, requêtes, demandes de dommages et intérêts, etc. Mais qu’était
ce Bechefer et que faisait-il au juste de l’effigie royale exécutée par
Bourdin ? Les actes ne nous le disent pas précisément. Nous suppo-
sons, d’après certaines indications, que c’était une sorte de barnum
exploitant « l’actualité » et promenant de ville en ville le portrait du
roi récemment assassiné, arrangé à la façon de la figure de Cassel.
A la différence de celle-ci, cependant, le portrait que l’on exhibait à
Saintes, en septembre 16H, devait être, non pas un buste, mais une
figure entière, puisqu’il est question d’un « doigt de la main sénestre
rompu et entièrement hosté ». On avait probablement cherché à
reproduire exactement l’effigie royale, parée de tous ses attributs,
telle qu’elle avait figuré dans la chambre ardente du Louvre, telle
qu’elle avait été portée à Saint-Denis. Mais il advint sans doute, un
beau jour, que l’entrepreneur ne prit pas assez de soin de son musée
ambulant, ou qu’il ne suivit pas au gré de l’artiste les clauses de
leur contrat. Peut-être les résultats furent-ils moins fructueux qu’ils
se l’étaient imaginé. Toujours est-il qu’on rendit à Bourdin son bon-
homme de cire, avec ou sans dommages et intérêts, nous l’ignorons,
n’ayant pas la fin de I histoire. Est-ce bien la tête de celui-ci qui figure
aujourd’hui dans la collection Desmottes? Cela est possible, mais
nous avons vu qu’il est assez difficile de l’affirmer catégoriquement.
PAUL VITUY
!. Le sculpteur Michel Bourdin et son effigie de Henri IV à Saintes en sep-
tembre 1611 (Chronique des Arts du 1S octobre 1898), p. 290,
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Nous en avons pourtant publié deux récemment dans la Chro-
nique des Arts *, concernant l’œuvre do Michel Bourdin. S’ils ne nous
mènent pas très loin, ils nous font entrevoir au moins un bien curieux
emploi donné à ces effigies royales.
Il s’agit, dans ces actes tirés des minutes d’anciens notaires de
Saintes et datés de septembre 1611, d’un « pourtraict de dcfunct notre
roydernier déceddé» etdeses «ornements, d’ungciel etd'ungdoucier,
le tout de vellours bleu, chamarré de gallons d’or faux », et ceci nous
fait penser tout de suite à l’attirail de notre figure de Cassel avec sa
défroque fanée et ses grands colliers à bon marché. L’objet en ques-
tion se trouve dans la ville de Saintes et il y a conflit entre le sculp-
teur Michel Bourdin, qui de Paris s’est transporté à Saintes pour
défendre ses intérêts, et un certain Bechefcr qui veut lui restituer
cet objet et « n’en plus être à l’avenir responsable»; d’où somma-
tions, requêtes, demandes de dommages et intérêts, etc. Mais qu’était
ce Bechefer et que faisait-il au juste de l’effigie royale exécutée par
Bourdin ? Les actes ne nous le disent pas précisément. Nous suppo-
sons, d’après certaines indications, que c’était une sorte de barnum
exploitant « l’actualité » et promenant de ville en ville le portrait du
roi récemment assassiné, arrangé à la façon de la figure de Cassel.
A la différence de celle-ci, cependant, le portrait que l’on exhibait à
Saintes, en septembre 16H, devait être, non pas un buste, mais une
figure entière, puisqu’il est question d’un « doigt de la main sénestre
rompu et entièrement hosté ». On avait probablement cherché à
reproduire exactement l’effigie royale, parée de tous ses attributs,
telle qu’elle avait figuré dans la chambre ardente du Louvre, telle
qu’elle avait été portée à Saint-Denis. Mais il advint sans doute, un
beau jour, que l’entrepreneur ne prit pas assez de soin de son musée
ambulant, ou qu’il ne suivit pas au gré de l’artiste les clauses de
leur contrat. Peut-être les résultats furent-ils moins fructueux qu’ils
se l’étaient imaginé. Toujours est-il qu’on rendit à Bourdin son bon-
homme de cire, avec ou sans dommages et intérêts, nous l’ignorons,
n’ayant pas la fin de I histoire. Est-ce bien la tête de celui-ci qui figure
aujourd’hui dans la collection Desmottes? Cela est possible, mais
nous avons vu qu’il est assez difficile de l’affirmer catégoriquement.
PAUL VITUY
!. Le sculpteur Michel Bourdin et son effigie de Henri IV à Saintes en sep-
tembre 1611 (Chronique des Arts du 1S octobre 1898), p. 290,