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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 20.1898

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Nr. 6
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Michel, Émile: L' exposition Rembrandt à Amsterdam, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24684#0524

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

chercher la destinée qui l’attend. Mais voici, avec un autre vieillard,
Y Homère, qui appartient à M. Bredius (1663, n° 117), une manifesta-
tion sinon plus haute, du moins plus imprévue du génie de l’ar-
tiste. Ce n’esl cependant qu’un fragment, car, à la partie inférieure
à droite, on aperçoit confusément encore la main d’un personnage,
aujourd’hui disparu et qui, dans l’œuvre primitive, écrivait sous la
dictée du poète aveugle. On sait, d’après l’inventaire de Rembrandt,
que le buste d’Homère qui lui a inspiré ce bel ouvrage faisait partie
de ses collections. Il avait pu apparemment conserver cette épave
échappée à sa ruine, et, dans la solitude de son atelier dépouillé des
trésors d’autrefois, une sympathie secrète l’attirait vers le vieil aède
devenu le compagnon de sa mauvaise fortune. L’aveugle errant de la
légende et le grand peintre méconnu pouvaient converser ensemble
de leur misère commune et, non content de placer le buste comme
un confident de ses tristesses dans son propre portrait (collection de
M. von Carstanjen, à Berlin), et dans un autre portrait — également
de cette époque, appartenant à M. B. Kann et qui passe pour celui
de Hooft, — Rembrandt avait cette fois animé ce marbre pour en faire
le sujet principal d’une de ses compositions. Appuyé d’une main
sur son bâton de mendiant, Homère, de son autre main, scande le
rythme des vers dans lesquels il fait revivre les grands souvenirs des
temps héroïques. L’exécution très libre, absolument personnelle, est
d’une largeur extrême dans les ombres, avec quelques empâtements
linement ciselés dans la lumière, et l’harmonie, d’une distinction
exquise, est faite do jaunes grisâtres sur lesquels tranche vivement
le jaune éclatant de l’étoffe jetée sur les épaules du vieillard. Ainsi
encadré, avec son large front, ses pauvres yeux vitreux et sa barbe
blanche, le visage auguste d’Homère paraît illuminé d’une majesté
surhumaine et, en face de cette apparition, on se demande par quel
prodige de divination l’illettré qu’était Rembrandt a pu si bien com-
prendre et si poétiquement ressusciter cette figure du chantre
inspiré.

Ce mouvement continu vers une simplicité croissante et ce
mépris complet de la virtuosité chez un maître qui avait fait ses
preuves et qui, à l’occasion, était encore capable de manifester sa
merveilleuse habileté, nous les constatons surtout dans les compo-
sitions qu’il peignit à cette époque. Les épisodes qui l'attirent sont
ceux qui mettent le mieux en évidence ces sentiments éternelle-
ment humains que, dans leur impuissance à les rendre, les artistes
médiocres accusent de banalité. C’est le propre du génie de renou
 
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